Dans cette comédie qui rappelle Vénus beauté, Arab et Tarzan prônent la liberté de conscience et d’expression à travers l’éloge des femmes palestiniennes.
Ça se passe à Gaza mais on ne voit pas l’ombre d’un soldat israélien, ni d’un checkpoint, tout juste le son d’avions traversant le ciel. Ça se passe à Gaza, mais dans le lieu le moins prévisible au pays du Hamas, du niqab, du masculinisme tout puissant et de la résistance sous forme d’obscurantisme politico-religieux : un salon de coiffure pour dames.
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Ça se passe à Gaza et ça chauffe en effet, hors champ, mais entre policiers et mafieux gazaouis qui ont volé un lion au zoo local (anecdote tirée d’un fait divers réel). Bref, ça se passe à Gaza mais à mille kilomètres des gros titres de l’actu et de l’idée que chacun se fait de cette région. Ça se passe à Gaza sous les peignes, ciseaux, séchoirs, lotions et crèmes de toutes sortes, plus près de Vénus beauté (institut) ou de Caramel que du drapeau vert guerrier du Hamas.
C’est là la première vertu de Dégradé : parler de la vie quotidienne à Gaza plutôt que du cliché Gaza (qui correspond aussi à une réalité, évidemment, mais déjà mille fois vue et commentée) et c’est déjà là un déplacement de regard digne de cinéaste. La deuxième vertu du film est d’être exclusivement féminin, de mettre la femme palestinienne au cœur d’une fiction, et dans tous ses états, toutes ses diversités : bavarde ou timide, pieuse ou libertaire, mariée ou divorcée, voilée ou en minijupe, amoureuse ou déçue par les hommes, mais libre et coquette dans ce gynécée protégé des mâles dominants.
Troisième vertu, l’humour, la faconde : ça cause, ça débat, ça déblatère, ça langue de pute à tout va, comme dans tous les salons de beauté du monde, à propos des hommes, de la conjugalité, de la politique, de la religion, sans censure. A l’abri des maris et de la police des mœurs, les Gazaouies gazouillent dans une zone de libres échanges qui évoque les belles heures de la comédie italienne ou de certains Almodóvar – somme toute logique, entre rives cousines de la même mer. Le message des frères Nasser est limpide : être femme, pleinement femme, c’est une forme de résistance.
Et joindre le geste à leur fiction, faire du cinéma féministe, laïque, démocratique, humoristique, en toute liberté par rapport à la culture dominante de son pays et à l’idéologie de son gouvernement, c’est aussi résister magnifiquement à tous les imperia, qu’ils proviennent du voisin israélien, de l’intérieur de la bande, ou de telle ou telle attente du public international. Ce film revigorant est comme ses auteurs, interdit à Gaza : une sorte de César ou de Palme d’or involontairement décerné par le Hamas, un hommage de la bêtise obscurantiste à la liberté joyeuse, insolente et éternelle des artistes.
Dégradé de Tarzan et Arab Nasser, (Fr./Pal./Qat., 2015, 1 h 23)
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