Avec la complicité de la fille du scénariste, la dessinatrice Catel transforme René Goscinny en un fascinant personnage qui a toujours carburé à l’humour.
Joséphine Baker, Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse, Benoîte Groult… Par le biais d’albums-portraits stylisés, la dessinatrice Catel a cherché à mettre en lumière des femmes. Pour cette raison, ajouter le nom de René Goscinny (1926-1977) à la liste de ses “héroïnes” lui a longtemps été impensable, trop évidente solution à un jeu où il s’agirait d’isoler l’intrus. A force de converser avec Anne Goscinny, fille du scénariste, ayant-droit, mais également écrivaine, Catel a trouvé la parade pour contourner cette impossibilité : faire d’Anne un personnage-clé pour mieux parler de René.
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Un des moments forts de cette biographie familiale voit d’ailleurs la fille, alors âgée de 18 ans, menacer de mort un cardiologue à qui elle reproche le décès de son père. Mettant en scène sa conception ainsi que l’amitié croissante entre Catel et Anne, Le Roman des Goscinny est un ouvrage à plusieurs voix et à plusieurs temporalités.
Des années de galère avant le triomphal Astérix
En utilisant les couleurs comme Riad Sattouf dans L’Arabe du futur, la dessinatrice change d’époque d’un chapitre à l’autre et organise un tour du monde qui part de Pologne pour gagner l’Argentine, les Etats-Unis et la France. Mais son sujet principal reste bien René, ce garçon devenu adulte qui s’est sérieusement appliqué à avoir un métier de rigolo.
Lui mettant en bouche des citations authentiques, Catel s’emploie à rendre le plus vivant possible celui qui a été longtemps un dessinateur en situation d’échec – le livre reproduit d’ailleurs croquis et premières tentatives – avant de devenir un scénariste stakhanoviste. Car si l’histoire célèbre le créateur (Astérix, Le Petit Nicolas…), Goscinny a longtemps galéré…
La trentaine passée, il vit d’ailleurs toujours avec sa mère, Anna. Plutôt que la recette de plusieurs succès, ce récit montre le Goscinny d’avant, jamais atteint par les échecs tant qu’il peut s’amuser avec ses potes, que ce soit la bande des New-Yorkais de Madou ou celle, franco-belge, de Pilote. Raconté sur un air de fête malgré les drames, son parcours méritait bien cette BD enlevée.
Vincent Brunner
Le Roman des Goscinny (Grasset), 344 p., 24 €
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