La rencontre de deux monstres sabotée par une intrigue d’une grande faiblesse.
Des monstres sacrés. Le terme est pompeux, prononcé à outrance, comme tout droit sorti d’un lancement de Laurent Delahousse dans Un jour, un destin. Mais y a-t-il un terme plus approprié pour désigner Depardieu et Houellebecq ? Peut-on trouver formule plus exacte, meilleur oxymore pour qualifier ces deux objets de culte dont le génie médiatique a toujours été en lien avec une forme d’étrangeté, d’excentricité et, disons-le, aujourd’hui, de laideur ?
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Les premières images de Thalasso sont ainsi saisissantes. Passé la jubilation évidente provoquée par la rencontre des deux mythes et leur interaction inédite à l’écran (même s’ils avaient toutefois été réunis dans une scène de Saint Amour de Delépine et Kervern), leur juxtaposition permet de démontrer la nature inversée de leur monstruosité. Un monstre d’addition (Depardieu) face à un monstre de soustraction (Houellebecq).
Une hyperprésence bruyante et une absence bien présente
Le premier est une hyperprésence massive et bruyante qui gonfle jusqu’à ne laisser plus aucune place autour d’elle, jusqu’à consommer le dernier atome d’air qui l’entoure. Le second se manifeste au contraire par son dépouillement. A l’image de son style littéraire, c’est une absence pourtant bien présente. Chez Houellebecq ce corps apathique souligne d’ailleurs par contraste la vivacité de sa pensée.
Après Valley of Love qui réinventait à l’écran le couple monstre Huppert/Depardieu vingt-cinq ans après Loulou de Pialat et opérait un fascinant enregistrement du temps qui passe, les premières minutes de Thalasso annoncent, elles, un film sur le stade postérieur : la décrépitude du monstre.
Des corps déformés, presque momifié pour l’un, de colosse bouffi pour l’autre, bientôt rejoints par l’irruption onirique d’un faux Sylvester Stallone, autre créature en mutation dont les traits du visage n’ont plus grand-chose d’humain. Mais plutôt que de donner suite à Valley of Love, Nicloux poursuit le récit de L’Enlèvement de Michel Houellebecq en conviant de nouveau les personnages des ravisseurs. Le face-à-face faisait des étincelles dans le téléfilm et tournait en ridicule l’impassibilité de l’écrivain qui ne se sent même pas concerné pas son propre enlèvement.
Il est ici redéployé au service d’une intrigue insipide et totalement insignifiante : les ex-kidnappeurs venant demander de l’aide au célèbre romancier afin de retrouver leur mère mystérieusement disparue. A lui seul, ce récit encombre et neutralise l’intérêt théorique de Thalasso jusqu’à l’entacher d’un final grotesque. Comme dans Valley of Love, le sujet du film était son duo d’acteurs, il n’y avait besoin de rien d’autre, les enregistrer et il y avait film. Pour leur première « vraie » rencontre de cinéma, les deux vieux monstres méritaient mieux.
Thalasso de Guillaume Nicloux, avec Gérard Depardieu et Michel Houellebecq (Fr., 2019, 1h33)
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