Le centre régional d’art contemporain expose Valentine Schlegel, dont la pratique marginale l’a laissée longtemps à l’écart du monde de l’art.
Avec leurs formes courbes rappelant les ondulations que laisse sur le sable la mer en se retirant, les cheminées en plâtre de Valentine Schlegel sont l’un des cœurs de sa pratique. Entreprises au début des années 1960, elles sont rapidement plébiscitées. Elles le sont en tant que telles, comme un élément de décoration dont on orne sa demeure – et Jeanne Moreau ne s’y trompera pas, qui lui passera commande à la fin des années 1960.
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Au CRAC (Centre régional d’art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée) de Sète, l’exposition qui lui est consacrée présente une vingtaine de maquettes de ces cheminées. A mi-chemin entre l’élément d’architecture et la sculpture moderniste, elles sont l’une des multiples occurrences de sa pratique d’une “sculpture à vivre”.
De l’ombre à la lumière
Hélène Bertin tombe sur la mention de ces cheminées lors d’une recherche autour de l’œuvre d’une tout autre artiste, Sophie Taeuber. A l’époque, en 2012, la diffusion du travail de Valentine Schlegel est quasi inexistante.
Intrinsèquement, tout s’y refuse. A commencer par ces cheminées, conçues pour un espace domestique et non déplaçables, condamnées (ou protégées) à n’exister que par la rumeur, le souvenir ou la reproduction. Progressivement, Hélène Bertin, elle-même artiste, commence à constituer une archive autour de cette œuvre.
Née à Sète en 1925, Valentine Schlegel devient costumière au Festival d’Avignon. A Paris à partir de 1945, elle développe, parallèlement aux cheminées, une série de vases biomorphiques, puis fonde au musée des Arts décoratifs un atelier de modelage pour les moins de 15 ans. Sa subsistance ainsi assurée, elle tourne entièrement le dos aux systèmes de validation institutionnels.
Lorsque Hélène Bertin expose pour la première fois ses archives au CAC Brétigny (Cette femme pourrait dormir dans l’eau, 2017), leur assigner un coefficient d’art est un choix proche de la signature de l’artiste. Au CRAC de Sète, Tu m’accompagneras à la plage ?, le titre de la proposition, découle du même geste.
Pour l’amour du vernaculaire
Les cheminées, les vases et les costumes et oriflammes pour le Festival d’Avignon voisinent avec la collection de couteaux de l’artiste, mais également des inserts, à chacune des cinq salles, de productions d’amis ou de proches de Valentine Schlegel. Autant qu’un portrait de l’art de vivre d’une région, la proposition se lit comme un signe discret en faveur de la réhabilitation du vernaculaire. Discret, car Valentine Schlegel s’est bien gardée de tout positionnement théorique surplombant.
Alors que la méthodologie féministe se revendique des “savoirs situés” (le terme est de Donna Haraway) et que la tradition artisanale est brandie comme manifeste (le critique Chris Sharp plaide la cause d’une “théorie du mineur”), il n’y a explicitement rien de cela chez l’intéressée.
Seulement un plaisir de faire et une attention au local qui, indirectement, devient politique en exigeant d’accorder aux gestes modestes la considération qui leur revient.
Tu m’accompagneras à la plage ?, jusqu’au 29 septembre, CRAC – Centre régional d’art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, Sète
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