La beauté de ce premier album, c’est la discrétion de sa mise en scène, là où tout autre novice anglais aurait tartiné lâchement ses chansons de pluies de cordes, cache-misère systématique des écritures à l’inspiration impotente ou hésitante. Il faut préciser que Baxter Dury, grandes oreilles, a sagement écouté les conseils d’un groupe économe et […]
La beauté de ce premier album, c’est la discrétion de sa mise en scène, là où tout autre novice anglais aurait tartiné lâchement ses chansons de pluies de cordes, cache-misère systématique des écritures à l’inspiration impotente ou hésitante. Il faut préciser que Baxter Dury, grandes oreilles, a sagement écouté les conseils d’un groupe économe et juste, dans lequel se succèdent des musiciens aux états de service indiscutables, de l’omniprésent Adrian Utley (Portishead) à Richard Hawley (Pulp). Des gens pour qui, en matière de pop-music, l’aventure n’est pas fatalement un concours de rodomontades.
Et même lorsque Baxter Dury se lance dans une odyssée psychédélique et turbulente comme Len Parrot’s Memorial Lift, son écriture précise empêche les chansons de virer au péplum. Beaucoup d’autres songwriters anglais, de Richard Ashcroft à Starsailor, nettement moins pointilleux sur la surcharge de leurs décorations, sur le clinquant de leurs intérieurs pharaoniques, seraient assez inspirés de venir constater ici la vanité de leurs ambitions. Il y a du Nikki Sudden ou, dans les moments les plus pacifiques, du Low dans cette manière engourdie et rêveuse de répondre aux ordres du 69 Live du Velvet Underground, cet éloge définitif de la lenteur, de la langueur, des tranquillisants et des hamacs en fil barbelé.
Car sous l’éclatante joliesse de mélodies tricotées à la main et d’arrangements distingués, la voix plaintive de Baxter Dury charrie suffisamment de trouble et d’éraflures pour que cet album ne se limite jamais à un galant exercice de style autour de la mélancolie et de son petit confort rassurant. Diaboliques, les deux derniers morceaux du disque se livrent d’ailleurs à une véritable prise d’otages de la volonté et des humeurs : les écouter le matin pourrait avoir des conséquences désastreuses sur le moral et l’économie de la nation.