Quatre trajectoires témoignent ici des souffrances contemporaines.
Qu’à changé l’immense succès de « Fatima » (2015) – 370 000 entrées en France, de nombreux prix dont trois César – aux aspirations de Philippe Faucon ? Si le cinéaste a sans doute moins de difficulté à financer ses films et s’il attire désormais des acteurs reconnus – Stanislas Nordey, Chiara Mastroianni et Emmanuelle Bercot pour Fiertés, sa minisérie pour Arte sortie cette année, et une autre Emmanuelle, Devos, pour Amin –, son cinéma vise toujours la même cible : une représentation sobre et sensible de ce qui est passé sous silence, que cela soit la condition des immigrés, le sida, les droits des homosexuels, l’exil, la souffrance au travail, ou encore la misère relationnelle, matérielle et sexuelle. On aurait donc tort de le réduire au seul champ du cinéma social. Car de film en film, ces fresques humaines gagnent en maîtrise et en profondeur pour se parer ici d’une forme quasi chorale.
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Amin est un ouvrier en bâtiment venu en France pour subvenir aux besoins de sa famille restée au Sénégal. Entre une terre de cœur éclatante mais pauvre et une terre de labeur morne mais riche, Amin est coupé en deux. Aïcha, sa femme, l’est tout autant, prise entre son désir de rejoindre son mari et celui de remplir son rôle de mère au foyer dans son pays. A ces trajectoires brisées s’ajoutent celles de Gabrielle, une infirmière divorcée en proie à la solitude, et d’Abdelaziz, un autre ouvrier qui, la retraite venue et le corps fatigué, réalise qu’il n’aura même pas de quoi vivre.
Si celle d’Amin est centrale, ces quatre trajectoires s’entrecroisent tout au long du film avec douceur, sensualité et âpreté, avant que chacune ne retrouve son point de départ ou ne connaisse un funeste destin. Le premier et le dernier plan du film illustrent cette résilience à merveille puisque tous deux nous placent sur un chantier où le bras armé d’une grue se fait métaphore d’un capitalisme destructeur.
Philippe Faucon est plus un cinéaste de la représentation que de la transgression. S’il autorise ici à ses personnages un temporaire élargissement de leur horizon – qui prend la forme d’une liaison entre Amin et Gabrielle –, il finit par les ramener sur terre avec brutalité – le sort d’Abdelaziz en est la plus prosaïque illustration. Plus pessimiste que Fatima Amin dresse un constat des souffrances contemporaines (solitude, précarité, soumission au patronat, déracinement) aussi juste qu’alarmant.
Amin de Philippe Faucon (Fr., 2018, 1 h 31)
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