Le patron du coupé-décalé est décédé lundi des suites d’un énième accident de moto. Grâce à des tubes comme “Kpangor”, “Hommage à Jonathan” et d’innombrables collaborations, le chanteur et producteur ivoirien s’était imposé comme la star du genre il y a plus de dix ans, rayonnant bien au-delà de ses frontières. Son influence sur les charts français est énorme.
Existait-il, ce week-end encore, un artiste africain qui influençait plus les musiques du monde que DJ Arafat ? Rien n’est moins sûr. A 33 ans, la star du coupé-décalé est décédée ce lundi des suites d’un accident de moto survenu la nuit précédente, dans les rues d’Abidjan. Dès l’annonce de son état critique, une foule s’était amassée devant la clinique qui l’hébergeait. Car en Côte d’Ivoire, peu de monde peut s’asseoir à la table de Magic System. DJ Arafat, lui, le pouvait.
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Une vie de fiction
Dix albums studio en quinze années de carrière. Voilà l’ébauche du palmarès d’Ange Didier Huon, son vrai nom. Dans le sillage de La Jet Set de Douk Saga, les pionniers ultimes du coupé-décalé, il s’est fait un nom à vitesse grand V avec un titre en hommage à DJ Jonathan sobrement intitulé Hommage à Jonhatan. Ironique lorsque l’on sait que celui-ci était décédé dans un accident de moto. Plus tragique encore, son dernier tube en date, Moto Moto, cumule plus de 4,5 millions de vues sur Youtube. Décidément, s’ils avaient mis cela dans un film, on aurait trouvé ça trop gros. Mais à carrière exceptionnelle, il faut parfois une fin digne de la fiction. Sur les réseaux sociaux, des images filmées sur les lieux de l’accident circulent, témoignant de l’affolement d’une foule qui s’est amassée autour du chanteur inconscient au beau milieu du quartier de Cocody.
DJ Arafat régnait en patron sur la musique ivoirienne actuelle. Surtout, il a contribué à entériner le fait que la musique du pays n’avait pas à s’encanailler avec les influences européennes et occidentales seules pour s’exporter. A la même époque que Magic System, dans un autre genre, il s’est grandement appuyé sur la France pour construire sa carrière. Quitte à prendre des risques, et à continuer de vivre dans l’Hexagone alors que son visa a expiré. Cela lui vaudra de passer un mois entier dans un Centre de rétention administratif en 2005, où les sans-papiers sont parqués avant leur probable expulsion. Le parcours de DJ Arafat en France, c’est celui de bien des Africains, pas toujours de tout repos.
Beaucoup de classiques, beaucoup d’embrouilles
Il existe peu d’artistes français orientés vers les musiques afros qui ne soient pas directement influencés par ses productions. En France, les Maître Gims, Vegedream et consorts lui doivent une fière chandelle, et n’ont jamais caché leur respect. MHD de même. Il l’a dit à de multiples reprises, son afro-trap est un enfant du coupé-décalé et des albums de DJ Arafat. Son rayonnement, son règne, il l’a aussi façonné par sa capacité à produire d’autres artistes ivoiriens, mais aussi à se détacher d’eux à grands coups de clashs.
Tout est une question de leadership. Dès que sa première place est disputée, il la défend bec et ongles. Avec Debordo Leekunfa notamment, l’empoignade vire parfois à la fuite en avant. Tous deux ont un temps formé un véritable duo, mais les acoquinages musicaux sont éphémères chez DJ Arafat. Durant deux ans et demi, les deux rivaux vont s’échanger des amabilités par morceaux interposés. Arafat sort Rage 202, Debordo répond avec Vérité. Arafat sort Reste tranquille Rantanplan, Debordo répond avec OPA à la nation ivoirienne. Pourtant, les deux hommes avaient connu un carton mémorable avec Kpangor, classique du genre. Mais comme souvent lorsqu’il s’agit de leadership, les esprits s’échauffent dans le milieu. Dernier épisode en date, le carton de l’un de ses protégés, Ariel Sheney, qui se plaçait en pole position du genre en janvier dernier avec son titre Amina. Une raison suffisante pour partir au clash, mais pas assez pour que Sheney ne lui rende pas hommage à sa mort.
Vivre plein gaz
Des frasques, il y en aura d’autres, sur le terrain judiciaire aussi. Les violences conjugales ne lui sont pas étrangères, sa carrière et son image en prendront, à raison, un coup. Certains appelleront cela un caractère sulfureux, d’autres de pur salaud. Arafat a toujours divisé, y compris en France. Il a passé sa carrière à faire les gros titres, vivant avec excès. Illustration de cette vie menée parfois les yeux bandés, ses multiples accidents de moto, dont un grave, déjà, en 2009, dix ans avant celui qui lui sera fatal.
Etroitement lié à la scène musicale française dont il a grandement influencé les charts durant dix ans, il invitait sur son dernier album, intitulé Renaissance (là encore le destin fait mal les choses) les artistes Naza et Maître Gims, tous deux d’origine congolaise. Preuve supplémentaire des liens qu’il est parvenu à tisser avec les autres pays africains francophones, jusqu’à contribuer à façonner le son local. DJ Arafat rayonnait, en bien et même parfois en mal. Sa mort est un électrochoc en Côte d’Ivoire, mais si son pays fait figure d’épicentre, les secousses sont actuellement ressenties dans les musiques du monde entier.
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