Huit ans après Stone Rollin’, Raphael Saadiq revient avec le poignant Jimmy Lee, un disque qui explore la notion d’addiction et le confirme comme un authentique soulman.
A une époque où les albums pleuvent de façon quotidienne, huit années de silence discographique apparaissent comme une éternité. C’est pourtant le temps qu’il a fallu à Raphael Saadiq pour concevoir Jimmy Lee, son cinquième long format. “Je n’ai jamais arrêté de créer de la musique : j’ai travaillé sur des films, collaboré avec plusieurs artistes, rembobine celui qui a participé à la production de l’iconique A Seat at the Table (2016) de Solange. Mais j’ai aussi pris du temps pour moi, à la fois pour m’occuper de ma mère et me reconnecter avec des amis, bref, reprendre ma vie.”
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Imaginé durant cette coupure, ce nouvel album s’inspire de son frère aîné Jimmy Lee, décédé d’une overdose à l’héroïne. “J’ai beaucoup pensé à lui ces derniers temps, et je me suis posé énormément de questions : à quoi ressemblait vraiment son quotidien ? Que ressentait-il au fond de lui ? Et surtout, qu’allons-nous retenir de lui ?, détaille le musicien quinquagénaire. Ce disque, c’est une façon de faire la lumière sur son histoire, mais aussi de raconter un combat qui pourra aider d’autres personnes qui souffrent d’une addiction. Tout le monde a un Jimmy Lee dans sa vie.”
Avec Jimmy Lee, demandez l’addiction
Jimmy Lee traite donc de nos addictions : à la drogue, au sexe, à l’alcool, à l’amour aussi. Sur le single Something Keeps Calling, le chanteur, producteur et bassiste d’Oakland évoque le poids de nos dépendances, qu’il décrit comme de véritables “fardeaux”. Avec Kings Fall, il ravive le souvenir d’un ancien joueur de basket professionnel accro aux opioïdes. Sans oublier My Walk, un morceau autobiographique qui révèle en sous-texte la façon dont la musique l’a sauvé de mauvaises fréquentations.
“C’est peut-être le son le plus personnel que j’aie jamais écrit”, commente-t-il. Pour donner vie à ces récits, Raphael Saadiq s’est soniquement dépassé : “Durant la conception de Jimmy Lee, je me challengeais constamment. J’essayais d’être mon propre ingénieur, ce que je n’avais jamais fait auparavant, je m’enregistrais avec mon iPhone, testais de nouvelles interfaces, jouais avec différents effets… J’ai conçu deux ou trois albums avant d’arriver à celui-ci.”
Acclamé pour The Way I See It (2008), qui lui avait valu trois nominations aux Grammy Awards, Raphael Saadiq propose avec Jimmy Lee des sonorités plus audacieuses, loin de l’esprit Motown caractéristique de ses singles les plus connus. Entouré, entre autres, des rappeurs Kendrick Lamar et Ali Shaheed Muhammad, il navigue ici entre moments résolument funk (So Ready, I’m Feeling Love, Rikers Island), interlude gospel (Belongs to God) et broken beats plus sombres (This World Is Drunk, Kings Fall, Glory to the Veins).
Un album en clair-obscur, fait d’instants de grâce et de blessures mal guéries, marqué par une constante mélancolie. “La mélancolie est en effet très présente sur ce disque, concède l’intéressé. C’est sans doute le reflet des états par lesquels je suis passé en créant Jimmy Lee.”
Jimmy Lee (Columbia/Sony Music), sortie le 23 août
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