Yoni Wolf se raconte avec candeur sur un sixième disque pop et introspectif.
Dans son brillant ouvrage Dialectique de la pop (La Découverte, 2018), la chanteuse et chercheuse Agnès Gayraud argumente que “la pop est un art à hauteur d’homme” en ce qu’elle permet à chacun de se raconter. Yoni Wolf l’a bien compris.
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Depuis plus de vingt ans, ce pilier discret de l’indie américaine s’illustre dans des genres propices à l’écriture du moi, comme le hip-hop pour son projet cLOUDDEAD, ou l’avant-pop et le psych rock avec WHY?.
L’intime, le quotidien et l’anecdotique ont alimenté ses textes et construit ses albums, qu’il stalke ses fans en ligne pour raconter leur vie jusqu’à leurs rencards OkCupid (Golden Tickets en 2013), qu’il raconte sa vie de tournée façon slacker (Alopecia en 2008), ou sa lutte contre la maladie de Crohn (à peu près tous ses disques).
Pour le sixième album de WHY?, il entreprend une introspection qui le ramène à son enfance, avec ses inhibitions et ses peurs abstraites. “Je suis né au printemps et j’ai été baptisé dans l’évier”, croit-il se rappeler, avant de passer en revue situations et personnages dans une langue tantôt tendre et descriptive, ou cryptée et poétique à l’américaine.
Un autoportrait musical proche de Sun Kil Moon
AOKOHIO décline alors ces souvenirs en “mouvements”, des mini-cycles alternant véritables pop songs et vignettes sonores plus imagées, quelque part entre la mixtape et le recueil de nouvelles.
Des vidéos très narratives les illustrent, suivant à la fois les nouveaux formats de la promo internet et les codes des mélodrames DIY qu’on mate au festival de Sundance. Quelques petites réussites se distinguent : Stained Glass Slipper, rengaine à la Weezer, tellement mignonne qu’on y entend un petit chien aboyer, ou le plus complexe The Crippled Physician, proche des bricolages hip-hop du célèbre label Anticon que Yoni codirige.
Aussi inoffensif et dérisoire soit-il, cet autoportrait musical rappelle d’autres projets du même type, comme les logorrhées au jour le jour de Sun Kil Moon, ou les mémoires en chansons de Magnetic Fields. Celui de Yoni Wolf en impose moins, mais réconforte, temporairement peut-être, par sa candeur et sa désinvolture.
Aokohio (Joyful Noise Recordings/Differ-Ant)
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