Si la planète se réchauffe, on s’attend inévitablement à ce que les températures grimpent mais les conséquences de ce dérèglement sont parfois étonnantes.
Même l’augmentation des températures parvient à surprendre. Si le fait que le thermomètre grimpe apparaît comme une conséquence naturelle du réchauffement climatique, c’est la rapidité et l’ampleur du phénomène qui interpellent. En 2014, Evelyne Dhéliat simulait un bulletin météo catastrophe daté du 18 août 2050. « Dans l’après-midi on dépassera encore les 40 degrés, 41 à Agen, 41 à Strasbourg, 40 degrés dans la capitale », annonçait la présentatrice qui participait alors à une campagne de prévention de l’Organisation météorologique mondiale. Si ces prévisions sont fictives, elles n’en sont pas moins réalistes, Météo France les ayant établies sur la base d’études scientifiques. Mais, ce que les experts n’avaient pas prévu c’est que les températures enregistrées seulement quatre ans plus tard dépasseraient celles prévues pour l’été 2050. Alors qu’Evelyne Dhéliat annonçait un maximum de 43 degrés dans le Gard, 46 degrés qui ont réellement été enregistrés dans le département voisin, l’Hérault, pendant la canicule de juin 2019.
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Ce réchauffement important – en hausse de 1,1 degrés depuis l’époque préindustrielle d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) – et anormalement rapide a des conséquences aussi inattendues que préoccupantes sur l’environnement et sur l’ensemble des formes de vie présentes sur la planète.
Des hivers plus rigoureux
Réchauffement climatique et hivers rudes iraient de pair. Paradoxal, mais plusieurs études scientifiques tendent à démontrer qu’il existe une corrélation entre la fonte des glaces au niveau des pôles et la diminution des températures que subissent nos latitudes tempérées pendant la période hivernale. En fait, plus les températures sont élevées en Arctique plus nos hivers sont rigoureux, et atteignent des températures invraisemblables comme les -45 degrés subis par les habitants du Midwest aux Etats-Unis en janvier 2019.
C’est ce que démontrent deux études. L’une a été réalisée à l’Institut de recherche climatique de Postdam en 2010, l’autre a été effectuée par des chercheurs américains et canadiens dirigés par Judah Cohen, chercheur au MIT et a été publiée dans la revue Nature en 2018. Lorsque la banquise fond, la surface qu’elle occupait auparavant est remplacée par de l’eau. Tandis que la glace renvoyait la chaleur dégagée par le soleil vers l’espace, à l’image d’un miroir, l’eau l’absorbe indiquent les scientifiques. En conséquence, cette chaleur emmagasinée réchaufferait les couches inférieures de l’atmosphère et perturberait la circulation habituelle de l’air. C’est ainsi que se déplaceraient des masses d’air froid, venues de l’Arctique jusqu’aux latitudes moyennes de l’hémisphère nord. Et puisque le réchauffement climatique en Arctique est deux fois plus rapide que sur le reste de la planète, il va falloir s’habituer aux températures extrêmes et aux tempêtes de neige.
La prolifération d’insectes ravageurs et vecteurs de maladies
Alors que le réchauffement planétaire a des conséquences néfastes voire désastreuses pour la majorité des formes de vie, les moustiques et les insectes ravageurs s’en frottent les mains.
Apparu dans le sud de la France en 2004, le moustique tigre a peu à peu gagné du terrain jusqu’à atteindre la région parisienne en 2016. Aujourd’hui, 53 départements sur les 101 que comprend la France sont concernés par ce fléau. Le moustique tigre est capable de transmettre plus de 20 maladies dont la fièvre jaune, le chikungunya, la dengue ou encore le virus du Zika. Cette espèce est un vecteur puissant de transmission de ces infections. A l’été 2017, une épidémie de chikungunya a frappé Rome avec environ 300 cas signalés, tous transmis par le moustique tigre. Et, le réchauffement climatique est un allier hors pair pour l’insecte : il étend son terrain d’action et accélère son cycle de développement. Ainsi, entre 20 et 25 degrés, le moustique met entre 6 et 10 jours pour passer d’œuf à adulte ; à 28 degrés, il ne lui faut plus que 6 jours, ce qui entraîne de facto une augmentation de leur densité. Par ailleurs, le temps entre l’entrée du virus dans le moustique et la sortie de son organisme quand il va repiquer va être raccourci.
En sus de servir la diffusion des maladies, le changement climatique pourrait aussi participer à une baisse importante des rendements agricoles en favorisant la prolifération d’insectes ravageurs s’attaquant aux récoltes de céréales, fruits et légumes. Avec la chaleur, le métabolisme de ces insectes s’accélère les conduisant à devenir plus voraces et à se reproduire plus vite. Les productions agricoles mondiales pourraient être grandement affectées à mesure que le climat se réchauffe. Les chercheurs américains des universités de Washington, du Colorado, et de Stanford estiment, dans une étude publiée dans la revue Sciences, que la perte de rendement pourrait s’étendre entre 10 et 25 % par degré supplémentaire. Ainsi, un scénario à +2 degrés – ce qui correspond aux prévisions climatiques pour la fin du siècle – impliquerait pour l’Europe une perte de 18 % de sa production agricole. Pour ne rien arranger, l’une de ces espèces est particulièrement concernée. Il s’agit du puceron russe du blé, qui a la particularité de ne compter que des femelles parmi ses individus. Elles naissent déjà enceintes et peuvent donner naissance à huit filles par jour. « Un ou deux pucerons peuvent donner naissance à des milliards si les conditions sont idéales », précise à l’AFP Scott Merrill, l’un des chercheurs.
Le déclin de la population microbienne pourrait menacer la chaîne alimentaire
Si des espèces prolifèrent grâce à lui, d’autres sont décimées par le réchauffement climatique qui modifie le fonctionnement des écosystèmes au sein desquels les espèces interagissent. Les microbes ne sont pas exempts mais leur rôle est largement sous-estimé dans les recherches actuelles sur le dérèglement climatique alors même que les microbes pourraient jouer un rôle déterminant dans la subsistance d’autres formes de vie sur Terre.
L’alerte a été donnée par un groupe international de microbiologistes. Ils ont récemment souligné, dans Nature, la nécessité « d’étudier les réponses microbiennes au changement climatique » et de prendre en compte les résultats de ces recherches dans les décisions politiques. « Si les micro-organismes ne sont pas pris en compte de manière efficace, cela signifie que les prévisions peuvent être inexactes », poursuivent les microbiologistes. Leur alerte concerne notamment le déclin du phytoplancton, une forme de vie microbienne des mers et océans qui joue un rôle essentiel dans la limitation du réchauffement climatique puisqu’elle élimine le CO2 présent dans l’atmosphère en utilisant l’énergie solaire. Le phytoplancton constitue par ailleurs la base de l’alimentation marine, son déclin pourrait grandement perturber la chaîne alimentaire jusqu’à l’humain.
Les espèces du microbiote intestinal risquent aussi d’être touchées. Communément appelés « flore intestinale », ces microbes qui peuplent le système digestif de l’ensemble des espèces pourraient subir des dérèglements importants du fait du réchauffement climatique. Ces changements ont été mis en évidence sur un lézard en mai 2017 par des chercheurs du laboratoire Evolution et diversité biologique de Toulouse. Les scientifiques ont montré que, dans un climat plus chaud de 2 degrés, 34 % des bactéries de la flore intestinale disparaîtraient. Une perte de diversité qui raccourcit la durée de vie des individus qui en sont victimes, stipulent les experts qui estiment que de nombreuses espèces pourraient être touchées. « En se focalisant sur les espèces hôtes et en oubliant leurs microbiotes, la perte de biodiversité et les conséquences du changement climatique pourraient être sous-estimées », alertent-ils.
Les températures empêchent la naissance de mâles chez certains reptiles
Encore plus surprenant, le réchauffement planétaire fait disparaître les mâles chez les tortues marines. Ce constat, rapporté par RTL en janvier 2018, a été fait au large de l’Australie. Des chercheurs ont ainsi découvert que sur les 20 dernières années, 99,8 % des tortues marines qui naissent dans ces eaux sont des femelles. En cause, la chaleur du sable qui a augmenté de concert avec le climat. Le sexe de ces tortues marines est déterminé par la température du sable sur lequel sont pondus les œufs. Les femelles naissent d’un environnement chaud, les mâles d’un plus froid, les températures actuelles restreignent drastiquement l’éclosion d’œufs mâles…
S’il reste bien quelques vieux mâles à l’heure actuelle pour perpétrer l’espèce, qu’adviendra-t-il lorsqu’ils auront tous disparu ? Les scientifiques invoquent une propension de ces animaux à s’adapter à des conditions peu favorables qui pourrait permettre à l’espèce de perdurer. Vieille de plus de 100 millions d’années, cette tortue a forcément connu des périodes de réchauffement par le passé auxquelles elle a toujours su s’adapter. Les experts soulignent toutefois une différence majeure entre la situation actuelle et les précédents changements d’ampleur : la rapidité à laquelle le climat se réchauffe ne laissera peut-être pas le temps d’adaptation nécessaire à l’espèce qui risque de disparaître. Ils précisent par ailleurs que d’autres reptiles comme les alligators et les iguanes dépendent d’un système de reproduction similaire et pourraient, à leur tour, être concernés par un déclin important de leur population mâle.
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