Du 26 au 28 juillet, se déroulait la 18e édition du festival Les Nuits Secrètes dans la petite bourgade d’Aulnoye-Aymeries (Nord). Entre pluie et beau temps, concerts intimistes dans des lieux atypiques et shows de grande envergure, on vous raconte ces trois jours de fête.
S’imposer comme un festival de qualité lorsqu’on se situe à quelques encablures de Dour, théâtre belge d’un des plus gros évènements musicaux de l’été, n’est pas une mince affaire. Pour tirer son épingle du jeu, il faut être original. Si nos voisins affichent leur démesure, Les Nuits secrètes ont choisi d’embrasser le mystère, mêlant habilement à sa programmation leurs fameux “parcours secrets”. Chaque jour, des bus aux vitres opaques viennent chercher des festivaliers pour les emmener voir des concerts dans des lieux inhabituels, sans que personne ne soit au courant de ce sur quoi il va tomber. Un concept qui plaît beaucoup, célébré pour cette 18ème année avec un record absolu d’influence. Sur l’ensemble de ces trois jours, l’événement nordiste a réuni 54 000 personnes.
Angleterre et France terres de rap, Salut C’est Cool au top
Vendredi, un soleil de plomb frappe le site, étalé entre un lycée et une ancienne usine déguisée, dans lequel sont réparties les scènes du festival. Entre la petite Station Secrète, la métallique Eden et l’imposante Grande Scène, c’est sur la dernière qu’Alpha Wann se manifeste. En une heure, l’auteur de UMLA a montré tout l’amour qu’il a pour le rap, et tout l’amour que le rap a pour lui ; assurément l’un des meilleurs cracheurs de feu à voir en live. Dans le même thème, la Station Secrète accueille le concert de Nadia Rose, la rimeuse londonienne aux flows aussi brûlants que ceux de son cousin Stormzy, pour une leçon de grime.
De son côté, Salut C’est Cool se prépare à ouvrir les portes de sa Maison. À la façon dont ils ont procédé pour ce disque, ils invitent le public à les rejoindre dans leur chez eux du soir, la scène Eden. Les instigateurs de cette fête totale l’animeront avec des titres de leur dernier album, dont le déjanté Bout de bois, leur hit Techno toujours pareil, vêtus de parures en fourrure et chatterton. La liesse est coupée net par le propriétaire suivant, Hot Chip. Si A Bath Full of Ecstasy est calibré pour les dancefloors, le live était fade de bout en bout, malgré les madeleines de Proust, Boy From School et Flutes.
Voyage au bout de la pluie
Sous un temps anglais, le deuxième jour débute avec une artiste bien de chez nous. Dans une composition à deux, cernée par ses instruments, Léonie Pernet revêt sa cape de musicienne émérite et plurielle pour un décollage sans faux-pas, qui nous fait voler jusqu’au concert de Flavien Berger. Avec son interprétation de l’intemporel Océan Rouge, du pressant Deadline, et d’un titre inédit chanté dans la langue de Shakespeare, le compositeur confirme son statut de choix. Les turbulences arrivent en même temps que le duo de Nottingham, Sleaford Mods, et s’intensifient avec les mystiques Psychotic Monks, très remarqués. L’atterrissage sera lui agité. La faute aux producteurs de CTRFÇN, préférés pour leur énergie brute et communicative, à Paul Kalkbrenner, trop occupé à chercher sa gloire passée.
D’un zoo à Metronomy
Pour ce dernier jour de festival, la promenade dominicale est secrète. En guise de première étape, les bus déposent les festivaliers aux portes d’une ferme, ou chacun prend silencieusement place dans la cour intérieure pour le concert intimiste de Blick Bassy. Après un déjeuner farfelu animé par une légende du coin, les cars reprennent leur route pour déposer tout ce beau monde au zoo de Maubeuge. Une fois montés dans la zone “contact”, qui tient son nom des lamas en liberté qui l’occupent, les hippies du futur de Golden Dawn Arkestra peuvent enfin lâcher leur groove conscient. À l’heure du thé, le parcours dévoile sa dernière localité et son dernier invité : Yael Naim dans une église, en piano/voix pour présenter quelques nouvelles chansons.
Dès le retour sur place, les plus jeunes promeneurs se hâtent au show de Columbine, pendant que les téméraires vont guetter l’arrivée de la bande d’enragés de Fat White Family. Cette deuxième option est la meilleure, malgré une légère frilosité des Anglais, inhabituelle. La chaleur viendra pourtant du même pays, directement importé par leurs compatriotes Metronomy. Bien décidés à rendre plus soutenable l’attente générée par la sortie de leur nouvel album, le bigarré Metronomy Forever, Joseph Mount et les siens, ont pris le soin d’en donner un avant-goût. Un geste apprécié, à la différence du set de Thylacine, et même du concert de Nekfeu, écrasé d’un spleen festif. Les dernières notes vont à Kompromat, la brûlante association de Vitalic et Rebeka Warrior. Une ultime cabriole qui vérifie sans mal l’efficacité de leur Traum und Existenz en live, au moins autant que l’œuvre complète de Julia Lanoë.