“Confessions nocturnes” est une chronique bimensuelle qui donne la parole aux lecteur·ices pour parler de sexe, d’érotisme, de genre, d’attachement, d’infidélité… Et qui tente de répondre à cette question : “Comment s’aime-t-on en 2020 ?” Aujourd’hui, Will, 30 ans, nous parle de corps qui se mêlent, de carcans dépassés, et de communauté.
Will – “J’ai toujours aimé organiser des soirées pour que mes potes se rencontrent. Il y a trois ans, j’ai plongé dans la communauté BDSM parisienne via ma meilleure amie. Je suivais déjà beaucoup l’actualité du mouvement kink qui m’attirait alors je me suis rendu à un apéro de jeunes parisiens kinkster. Une sorte de lieu de rencontres où je pouvais poser toutes les questions que je voulais. J’y ai même croisé de vieilles connaissances… Bref, je m’y suis tout de suite très bien senti. La première soirée BDSM, je suis resté en observation, je n’osais pas proposer de choses faute de maîtriser encore bien les codes de l’univers.
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De la domination-soumission au fétichisme, en passant par le sadomasochisme, le BDSM est une pratique très large. Et tout ça se retrouve dans la même soirée. J’ai adoré cette possibilité d’accès à une sexualité alternative, d’avoir un cadre dans lequel elle était totalement assumée. A côté, j’y ai vraiment noué des liens d’amitié très forts. J’ai peu à peu commencé à organiser des soirées mensuelles, chez moi. Des sortes de teufs hybrides à mi-chemin entre la sex party et l’orgie BDSM. Je les appelle des « soirées fesse ». A l’origine l’idée, c’était de ramener une quinzaine de personnes, de faire une soirée classique où on boit, on discute, on danse… un truc très détendu. A la différence près que cela doit aussi rester un espace safe dans lequel l’on peut avoir toutes sortes de rapports sexuels. Aucune obligation bien sûr, il nous est même arrivé de passer la soirée à se marrer à moitié nus sans que personne ne se touche.
« Kinky god and godess » et « Matriarcat »
Chaque soirée a un thème défini à l’avance – « Kinky god and godess », « Noël », etc. – qui va déterminer nos déguisements, mais aussi les jeux que l’on va pratiquer. J’adore préparer quelques petits ateliers pour celles et ceux qui en ont envie, ça permet vraiment de briser la glace pour les personnes qui ne se connaissent pas. On peut commencer par un classique « Je n’ai jamais », ou se mettre dans la peau de dieux et essayer d’imaginer comment ils se séduisaient, s’ils avaient des fidèles qu’ils essayaient de soumettre… Il nous est arrivé d’improviser un petit shooting photo avec des tenues de Noël tout en reproduisant certaines positions sensuelles et sexuelles. J’ai aussi organisé une soirée « Matriarcat » où le but était de fonctionner sous un système matriarcal – toutes nos phrases devaient être tournées avec la primauté au féminin. Seules les femmes étaient autorisées à solliciter les hommes. J’ai mis les soirées en pause depuis la crise sanitaire, mais j’espère pouvoir reprendre le rythme à la rentrée.
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En parallèle, je suis aussi membre de l’association « Les chatonnades » qui organise des événements autour de la notion de sexualité positive – avec notamment des focus sur le consentement. L’un de nos formats phares, c’est la retraite de deux ou trois jours dans une maison autour de Paris. Elle compte une quarantaine de participant·es et tout est autogéré, on y trouve des ateliers théoriques et/ou pratiques sur certaines situations sexuelles en particulier. Le soir venu laisse place à « La cérémonie » – une sorte de soirée où tout le monde est peu vêtu, sans être une orgie à proprement parler.
Une démarche politique
Dans le BDSM, personne n’est obligé d’être complètement nu. Au départ, ces soirées n’étaient pas forcément faciles, je n’étais pas à l’aise avec mon corps. Mais il a suffi que je trouve une tenue qui me mettait bien en valeur, comme le kimono, pour que cette crainte soit vite dépassée. La communauté Kink me permet de me sentir un peu moins comme un monstre, c’est un autre monde où je peux assumer ma sexualité avec des gens dont je me sens proche aujourd’hui. Cela fait un bout de temps que j’essaie de prôner autour de moi une sexualité libérée, et pas uniquement « vanille » [il s’agit du surnom donné à la sexualité considérée comme « conventionnelle », ndlr].
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Je vis le BDSM comme une démarche politique qui prône l’égalité femmes-hommes dans le sexe, mais c’est aussi un profond épanouissement. Même si la pratique se démocratise quelque peu, elle reste encore hyper tabou, et assez mal vue. C’est très compliqué pour beaucoup d’arriver à ne serait-ce que l’entendre ou essayer de la comprendre. Il n’y a pas de réelle recherche de conscientisation de ce que cela impliquerait d’être aussi libéré. J’espère que les choses changeront un jour.”
Propos recueillis par Fanny Marlier
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