S’il a visité les quatre saisons, Eric Rohmer semblait avoir une préférence pour l’été, période dans laquelle il ne situe pas moins d’une dizaine de ses longs-métrages. Vous vous posiez sans doute tou·tes la question : « Et si mon été était un film de Rohmer, quel serait son titre ? ». On vous aide à choisir.
Un été solitaire dans Paris, façon Le Signe du Lion (1962)
« Le Signe du lion » (Les Films du Losange / Exploit Films)
Si votre signe astrologique est le Lion, que vous passez l’été seul dans un Paris déserté, et que vous n’avez plus ni un sou, ni un ami, votre été est : Le Signe du Lion. Le confinement n’a pas aidé, certes, mais vraiment vous n’avez pas l’âme d’un bosseur. Vous comptiez sur un miracle, un héritage impromptu ou une quelconque arrivée d’argent, mais cela n’a pas eu lieu. Maintenant, la fête est finie. Il fait beau, c’est l’été, mais vous êtes seul, sans argent, désœuvré, et les rares Parisiens qui restent vous narguent de leur bonheur estival. Tenez bon, le signe du Lion protège de tout, Rohmer ne croit pas au mérite, et le sort tournera forcément en votre faveur d’ici la fin de l’été !
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Un été volage comme celui de La Collectionneuse (1967)
Haydée Politoff dans « La Collectionneuse » (Les Films du Losange)
Si vos amis vous jugent pour tout ce temps que vous passez sur Tinder, Grindr, etc. et que vous vous demandez déjà si c’était une bonne idée de partir en vacances avec ces rabat-joie, vous êtes ce que l’on appelle dans le vocabulaire rohmérien, une « collectionneuse », ou un « collectionneur ». Une nuit sans nouvelle conquête est une nuit de perdue, et vous n’avez que faire du regard des autres. La morale de ce conte est très simple, vos amis vous critiquent pour la simple et bonne raison qu’ils vous envient votre liberté.
Un été de remise en question amoureuse comme la scène finale de Ma Nuit chez Maud (1969)
« Ma Nuit chez Maud » (Copyright CFDC / Les Films du Losange)
Si vous passiez un bon été jusqu’à ce qu’un fantôme du passé ne ressurgisse et vous fasse tout remettre en question, vous êtes exactement dans la même situation que le personnage de Jean-Louis Trintignant à la fin de Ma Nuit chez Maud. Vous avez choisi le.la blond(e), la vie de famille simple, rassurante, confortable et prévisible. Mais cet été, vous recroisez par hasard le·la brun·e sur la plage, c’est-à-dire l’être sensuel, instinctif, que vous avez choisi d’oublier 5 ans auparavant, par manque de foi ou peur de l’inconnu. Vous êtes apprécié pour vos capacités de raisonnement, or c’est seulement aujourd’hui que vous comprenez l’essentiel : vous êtes passé·e à côté de ce qui compte vraiment. Vous parlez beaucoup de Pascal mais n’avez pas suivi sa morale. Cet été est peut-être enfin l’occasion de s’abandonner au pari pascalien et de ne plus laisser l’irrationnelle passion vous échapper !
Un été passé à vivre des désirs obsédants, comme Jean-Claude Brialy dans Le Genou de Claire (1970)
« Le Genou de Claire » (Les Films du Losange)
Si vous passez l’été avec des gens de 20 ans vos cadets au bord d’un lac, et que de drôles de fantasmes vous taraudent, vous êtes dans Le Genou de Claire. Vous êtes subitement obnubilés par les genoux d’une adolescente de 16 ans alors que vous vous mariez à la rentrée. Tous vos amis, gênés, essayent de vous faire entendre raison mais vous n’en démordez pas : rien n’est plus beau que ce genou. Pourtant, la fin de l’été approche, et il vous faudra bien rentrer. Préparez-vous à laisser au lac ces désirs encombrants qui ne font que vous détourner de vos projets.
Un été d’apprentissage, comme celui de Pauline à la plage (1983)
« Pauline à la plage » (AAA / Les Films du Losange)
Si vous êtes vierge de toute expérience amoureuse, ou très littéralement vierge, et que votre cousine plus âgée et rodée vous invite à passer l’été à ses côtés, vos vacances sont celles de Pauline à la plage. De flirt en flirt, vous badinez au soleil sans savoir ce que vous voulez vraiment. Cette grande cousine, aussi blonde et filiforme qu’Arielle Dombasle, vous incite à lire, flâner, discuter de choses et d’autres… Tandis que son homme du moment, au contraire, vous enquiquine pour que vous sortiez de votre trou. Comme le déclare explicitement le personnage de Féodor Atkine : « Il faut qu’elle connaisse le loup ! ». Ainsi vous laissez-vous séduire, et doucement apprenez le jeu des amourettes.
Un été festif à Paris comme dans Les Nuits de la pleine lune (1984)
Si vous êtes en couple et que vous n’avez pas tellement envie de passer l’été avec l’être aimé, c’est peut-être que vous traversez la même crise que Louise dans Les Nuits de la pleine lune. Comme l’excellente et éternellement regrettée Pascale Ogier, vous avez des « besoins absolus ». Cela vous a pris comme ça, et cet été s’est décidé, vous envoyez tout balader. Finis la maison en banlieue, la vie de couple et les projets à deux. Vous agissez comme si vous aviez à nouveau 20 ans, vous profitez de la vie urbaine et fêtarde, vous avez des coups d’un soir et vivez une réelle indépendance. Et avec un peu de chance, Fabrice Luchini sera sur votre route, et vous danserez un soir avec lui de la manière la plus libératrice qui soit.
Si vous rendez vos amis dingues à force de douter de tout et de ne jamais savoir prendre une décision, c’est que vous êtes en train de ruiner votre été, comme Delphine dans Le Rayon vert. Vous traînez les pieds, vous râlez, vous voulez partir en vacances mais vous ne savez ni où, ni avec qui. Vous partez à la montagne, faites une randonnée seule, pleurez et revenez. La solitude vous fait horreur, mais personne ne vous plaît vraiment et tout le monde vous ennuie un peu. C’est l’été de la déprim’. Le personnage incarné par Marie Rivière le traverse comme une âme en peine. Heureusement une amie un peu rentre-dedans est là pour lui faire remarquer qu’elle ne laisse pas la vie la surprendre… À force, littéralement, de prendre la fuite à chaque fois qu’un être humain s’intéresse à vous, vous finirez probablement votre été dans les bras d’une statue grecque, à moins que le dernier rayon du soleil ne vienne vous redonner espoir.
Un été échangiste, à l’image de L’Ami de mon amie (1987)
Si votre été ressemble drôlement au Jeu de l’amour et du hasard, vous êtes tombés en plein dans l’intrigue marivaudesque de L’Ami de mon amie. Sans le faire exprès, vous louchez un peu trop sur la·le meuf·mec de votre pote, et vice-versa. Blanche devient l’amie de Léa qui est fiancée à Fabien, et tombe amoureuse d’Alexandre. Evidemment, Léa, celle qui a « horreur de ce genre de mecs qui attend qu’on lui tombe dans les bras » délaissera son fiancé pour le snob Alexandre, tandis que Blanche devient de plus en plus proche du simple et sportif Fabien, le fiancé de Léa. Vous partirez donc en vacances comme prévu, mais pas avec la même personne.
Un été polyamoureux comme dans le Conte d’été (1996)
« Conte d’été » (Les Films du Losange)
Si vous avez du mal à choisir entre trois prétendant·es, tou·tes à vos pieds mais plus ou moins faciles à saisir, vous êtes dans le même cas de figure que Melvil Poupaud dans Conte d’été. Il a (trop ?) le choix. Il y a l’amoureuse fidèle, encore un peu trop adolescente et romantique à son goût. La difficile, qui exige de lui courir après en permanence. Et celui ou celle qui refuse son manège et ne se laissera pas reléguer au statut de second choix. Attention toutefois, ce délicieux été polyamoureux pourrait vous empêcher de saisir l’opportunité d’une relation plus profonde avec l’un·e de vos prétendant·es.
Un été déconnecté du temps comme dans LesAmours d’Astrée et de Céladon (2007)
« Les Amours d’Astrée et de Céladon » (Rezo Films)
Si l’envie vous a pris de passer des vacances pastorales, de vous vêtir de toges et autres bouts de tissus tombants, et de vivre littéralement d’amour et d’eau fraîche, vous avez un été typique « Les Amours d’Astrée et de Céladon ». Or, comme les deux personnages principaux, vous pensiez vivre une histoire d’amour parfaite avant que des quiproquos n’embrouillent la chose. Il·Elle croit que vous le·la trompez et vous rejette. Heureusement le cadre est idéal pour prendre du recul. C’est l’occasion de réaliser un véritable fantasme : vivre en ermite. Vous vous retirez donc dans la forêt pour réfléchir… Puis après quelques jours de déconnexion numérique, de jus détox et de yoga bikram, le manque se fait trop fort et vous revenez à la civilisation. Votre amant·e n’attendait que vous, et vous pourrez enfin vous compter fleurette les yeux dans les yeux, à moitié nus dans l’herbe, trembler de désir au moindre bout de peau visible, et jouer ensemble au berger et à la bergère, comme Stéphanie Crayencour et Andy Gillet dans le dernier film de Rohmer.