Même si sa vision inquiétante de l’industrie du cinéma français a été remise en cause, le producteur et proche d’Emmanuel Macron Dominique Boutonnat est nommé à la tête du Centre national du cinéma et de l’image animée.
Le producteur de cinéma Dominique Boutonnat a été nommé président du CNC (le Centre national du cinéma et de l’image animée) par décret présidentiel lors du Conseil des ministres. L’information a été délivrée par l’Elysée ce mercredi 24 juillet. L’homme remplace Frédérique Bredin, qui n’a pas été reconduite pour un troisième mandat.
Si l’on pouvait s’y attendre, cette information se révèle particulièrement inquiétante pour l’avenir de l’établissement public, qui a pour but central de promouvoir et de soutenir l’économie du cinéma français sous toutes ses formes, y compris dans son aspect plus auteuriste et moins accessible. C’est notamment le système de l’avance sur recettes (perfectible mais ô combien essentiel) qui permet à la diversité du paysage cinématographique français d’exister.
Le problème, c’est que Dominique Boutonnat est l’auteur d’un rapport commandé par l’Elysée sur le financement du septième art, et qui remet en cause son modèle. Le producteur et soutien affiché d’Emmanuel Macron – il est même l’un de ses proches – a ainsi voulu démontrer que le nombre de films produits chaque année est trop important, alors que certains projets peinent à être rentables. En bref, si un film ne réussit pas à dépasser les 50 000 entrées, c’est que le public ne l’a pas jugé assez bon pour se déplacer. Le taux de spectateurs deviendrait un outil populiste de mise en valeur des œuvres, qui ne prendrait bien évidemment jamais en compte la distribution souvent problématique des films d’auteur dans l’ensemble de la France.
Une nomination qui déclare la guerre au cinéma d’auteur
En plus de mettre en péril la réussite créative du cinéma hexagonal, ce rapport souhaite remettre en avant des investissements privés, qui engendreraient une libéralisation du système de financement ne profitant qu’aux poids lourds du box-office. Il faut d’ailleurs préciser que cette logique commerciale est soulignée par les termes employés dans le dossier. On n’y parle pas « d’œuvres », mais de « produits culturels ».
Avant même d’être officialisée, cette possible nomination a été crainte par le monde du cinéma, qui s’est empressé de réagir. La Société des Réalisateurs Français (SRF) a ainsi publié le 3 juillet une tribune signée par de nombreuses personnalités : Mathieu Amalric, Jacques Audiard, Nicole Garcia, Bertrand Tavernier, Emmanuelle Bercot, Arnaud Desplechin et bien d’autres. La cause a même touché les actuels étudiants dans le domaine du septième art, soucieux pour l’avenir de l’industrie dans laquelle ils souhaitent travailler. Ainsi, les élèves de la Fémis ont également partagé un communiqué dans la continuité du texte de la SRF.
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L’Elysée semble se réjouir de cette situation exceptionnelle, puisqu’il s’agit de « la première fois qu’un professionnel du cinéma est choisi pour diriger le CNC« . En réalité, le fait que Dominique Boutonnat ait longuement travaillé dans l’industrie (il a été notamment producteur sur la comédie Eyjafjallajökull avec Dany Boon) est avant tout un leurre pour son absence évidente d’indépendance et sa politique jugée « nataliste ».
Comme a pu le souligner le producteur Saïd Ben Saïd le 14 juillet dernier sur Twitter, « Si Boutonnat était nommé à la tête du CNC (…), cela signifierait qu’il faudrait financer les films de Philippe Garrel et ceux de Franck Dubosc de la même façon, selon les mêmes critères économiques. On ne verrait donc plus de films de Philippe Garrel« . Emmanuel Macron parvient ainsi, à travers son nouveau pantin, à imposer sa vision ultralibérale sur le monde de la culture, qui semble ne jamais cesser d’être attaqué par les derniers présidents de la Vème république.
Si Boutonnat était nommé à la tête du CNC, ce qu’à Dieu ne plaise, cela signifierait qu’il faudrait financer les films de Philippe Garrel et ceux de Franck Dubosc de la même façon, selon les mêmes critères économiques. On ne verrait donc plus de films de Philippe Garrel.
— Saïd Ben Saïd (@saidbensaid66) July 14, 2019