Une fois de plus remarquable dans Sibyl de Justine Triet, sorti au printemps, la comédienne explique comment elle a modifié sa vision de la sexyness avec le temps.
Quel est pour toi le critère du sexy ?
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Ce qui renvoie à une part non civilisée de nous-mêmes, qui semble se dégager de toute volonté de domestication. Dans le corps d’une femme, ce sont les parties molles que je trouve le plus sexy. Pas une cuisse fuselée mais un sein, du ventre, une fesse qui bouge. Dans un caractère, ce serait l’inverse de la mollesse mais plutôt une forme d’indépendance. Quelqu’un qui semble assez riche intérieurement pour ne pas avoir besoin de se plier à toutes les normes pour entrer en rapport avec l’autre.
Quelqu’un de passionné par quelque chose est extrêmement sexy. Un moment je trouvais sexy les hommes qui semblaient ne pas trop vouloir de moi. C’est une petite maladie très commune dont il me semble être guérie. L’élan est un mouvement sexy. Est sexy quelqu’un qui te renvoie à ta propre sexualité, qui te laisse entrevoir une promesse. Entrevoir une promesse parce qu’elle doit se deviner.
As-tu envie d’être sexy ?
Je ne suis pas sûre qu’on décide d’être sexy. On est dans une société qui valorise cela sur des critères super marchands. Tu es sexy si tu as la pêche, que tu es jeune et mince et que tu bois du Coca Light. C’est quand même un peu autre chose. Les photos soi-disant sexy sur Instagram ne m’évoquent en général rien de sexuel parce qu’elles correspondent à une mise en scène de soi hyper maîtrisée et normée qui n’a rien à voir avec ce que j’attends de la sexualité. D’après moi on ne peut pas se dire “tiens, à partir de demain, je serai sexy”. C’est un état, un fait dont on ne décide pas.
Quand j’étais plus jeune, j’avais tout l’attirail du sexy volontaire et normé. Je ne voyais pas l’intérêt de porter des vêtements qui ne laissaient pas apparaître la moitié de mes seins, je me maquillais autant qu’une drag queen, je portais exclusivement des talons et une chaîne à la cheville. Maintenant que je suis moins timide et plus vieille, je me suis calmée sur tout ça ! Mais se sentir sexy dans le sens se sentir quelqu’un de désirant, voire de désiré (chose sur laquelle nous avons moins de prise malheureusement) est quand même quelque chose que je recherche encore.
Est-il parfois lourd d’être envisagé.e comme sexy ?
A titre personnel, je n’ai jamais trouvé un regard désirant rabaissant. L’expression du désir de l’autre ne m’a jamais semblé humiliante. Je comprends les témoignages inverses. L’impression que son identité est réduite à ça. On ne veut jamais que son identité ne soit réduite qu’à une seule chose. Mais il me semble que si on a la conviction intime et profonde d’être aussi autre chose, un être pensant et pas exclusivement un corps, on ne le vit pas de cette manière. Il faut bien sûr un parcours, une éducation qui permette ça.
Fétichises-tu certaines parties du corps chez tes partenaires ?
La bouche, l’odeur, la voix. Une légère quantification du poil.
Es-tu traversée tous les jours par des pensées érotiques ? Toutes les heures ? Tout le temps ?
J’avais lu un jour une étude ou un sondage, je ne me rappelle plus, qui expliquait que les hommes étaient traversés très régulièrement par des pensées érotiques contrairement aux femmes. Qui disait aussi que les hommes étaient plus visuels que les femmes. Et quantité d’autres choses qui m’ont fait croire que je devais être un garçon probablement.
Les scènes de rapports sexuels dans Sibyl ont-elles été simples à tourner ?
Les scènes de sexe dans Sibyl étaient très particulières à tourner. J’ai encouragé Justine à décrire exactement ce qu’elle voulait voir, ce n’était pas très précis dans la première version du scénario. Je crois qu’elle y a pris beaucoup de plaisir puisqu’on est passé de : “Ils s’allongent sur le sol et ils font l’amour” à trois pages de descriptions torrides. J’ai aussi reconnu des choses dont je lui avais parlé intimement…
La pudeur est une drôle de chose, elle s’envole tout à coup puis, sans prévenir, elle vous envahit. J’ai aimé jouer avec cette peur aussi. Je n’avais pas envie de banaliser ces scènes. De faire comme si c’était une chose comme une autre. Il y a une forme de transe et en même temps de maîtrise et de distance nécessaire. C’est assez excitant en fait !
As-tu été marquée par des scènes de sexe au cinéma ?
J’ai toujours beaucoup aimé la scène de sexe entre Michael Douglas et Jeanne Tripplehorn dans Basic Instinct. Le désir qui ne peut plus se contenir et qui prend des formes un peu violentes. De toute façon, Basic Instinct est le premier film avec autant de sexe que j’ai pu voir au cinéma. Il m’en reste des images forcément très présentes. J’adore toutes les scènes de sexe et d’intimité dans Turkish Délices aussi. J’ai un souvenir ému d’une scène érotique dans Stalingrad entre Jude Law et Rachel Weisz. Elle n’est peut-être pas si bien que ça d’ailleurs, je ne l’ai pas revue. Mais ils faisaient l’amour dans un énorme dortoir où tous les autres soldats étaient endormis…
Est-ce que le sexe est meilleur lorsqu’on éprouve de l’amour pour son partenaire ou au contraire ?
Je trouve que c’est mille fois mieux quand il y a de l’amour. Parce que du coup, ça permet de ne plus mettre en jeu cette question-là et de passer à quelque chose de purement sexuel.
Est-ce que le désir est injuste (parfois non réciproque, volatile, excluant…) ?
Il n’y a pas de justice dans le désir, ni en amour ! Heureusement, je crois.
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