Connue en particulier pour ses collaborations avec Primal Scream et A Certain Ratio, la chanteuse anglaise Denise Johnson s’est éteinte hier, lundi 27 juillet, à l’âge de 56 ans. Aussi appréciée pour ses qualités humaines que pour ses talents vocaux, elle était très populaire au sein de la communauté musicale de Manchester.
Capable de traverser un large spectre, du blues le plus aride au funk le plus torride, la voix vibrante et gorgée d’âme de Denise Johnson s’est d’abord insinuée dans d’innombrables oreilles via Dont’ Fight It, Feel It. Ode tourbillonnante à l’hédonisme nocturne, cette chanson kaléidoscopique – dotée d’un clip ad hoc – figure sur le légendaire Screamadelica (1991) de Primal Scream, grand brasier multicolore dans lequel rock, dub, acid-house et funk entrent en fusion. Produit par Andrew Weatherall, l’album synthétise parfaitement le son et l’esprit exubérants de « Madchester », courant musical bariolé qui a fait souffler durant plusieurs années un sacré vent de folie sur Manchester – et bien au-delà.
Vocation précoce
Après Andrew Weatherall, décédé le 17 février dernier, Denise Johnson a rendu son dernier souffle hier, lundi 27 juillet. La cause officielle de sa mort n’ayant pas encore été rendue publique. Révélée par Screamadelica, la chanteuse apparaît aujourd’hui comme une voix emblématique de la scène indépendante mancunienne.
Née le 31 juillet 1963, Denise Johnson a grandi à Hulme, cité industrielle dans la banlieue sud de Manchester. Durant son enfance, bercée par le reggae et le ska (sa mère étant d’origine jamaïcaine), puis fascinée par la comédie musicale La Mélodie du bonheur (1965), elle chante souvent, toute seule ou dans des chorales scolaires, et sent déjà en elle poindre sa vocation.
“ C’est tout ce que je voulais faire. Il ne s’agissait pas de devenir célèbre. Je voulais simplement chanter ”, raconte-t-elle dans une interview publiée par le magazine Product en 2018.
Rencontre décisive
Insistant, ce rêve d’enfant va se réaliser peu à peu. Chanteuse professionnelle dans les années 1980, Denise Johnson intègre le groupe de soul Fifth of Heaven à la fin de la décennie. La rencontre décisive avec Primal Scream va avoir lieu peu de temps après, la connexion s’effectuant via le musicien Tony Martin, moitié du duo Hypnotone. Conquis par la voix de la jeune femme, Bobby Gillespie, le leader de Primal Scream, l’enrôle pour chanter sur Dont’ Fight It, Feel It.
Dans la foulée, le groupe écossais propose à Denise Johnson de l’accompagner en tournée. Après avoir opposé plusieurs refus, elle finit par accepter. Leur liaison artistique va durer cinq ans, de 1990 à 1995. Outre les prestations live, elle se concrétise à nouveau en studio avec Give Out But Don’t Give Up (1994), album qui voit Primal Scream se réorienter vers un rock stonien, teinté de blues et de funk. Très présente, Denise Johnson y fait entendre sa voix sur plusieurs chansons, dont la chanson-titre et Funky Jam, toutes deux interprétées en duo avec George Clinton.
À partir de 1990, elle devient par ailleurs une accompagnatrice live régulière d’un groupe majeur de Manchester, A Certain Ratio, dont la musique – un post-punk ondoyant à forte teneur en funk – lui correspond tout à fait. Participant aussi à plusieurs albums du groupe, elle illumine par exemple Be What You Wanne Be, chanson au groove irrésistible qui se trouve sur l’album acr:mcr (1990).
Au final, le cheminement avec ACR aura duré trente ans et occasionné plus de deux cents concerts, selon les estimations fournies par le groupe. Denise Johnson chante aussi sur leur tout nouvel album, Acr Loco, dont la sortie est annoncée pour le 25 septembre.
Très appréciée, sur le plan humain autant que sur le plan musical, la chanteuse sera régulièrement sollicitée, en particulier durant les années 1990. Elle va mettre ainsi sa voix ardente au service de nombreux autres groupes ou artistes, parmi lesquels New Order, Electronic, Ian Brown, Beth Orton, I Am Kloot ou encore Michael Hutchence (INXS).
Longtemps limitée à deux EP, Rays of The Rising Sun (1994) et I Believe (1996), la discographie solo de Denise Johnson va bientôt s’enrichir d’un album Where Does It Go. Mêlant compositions originales et reprises de chansons de groupes de Manchester, notamment True Faith de New Oder, ce premier long format – hélas posthume – doit paraître le 25 septembre, en même temps que le nouvel album d’ACR.
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