Reprise de cinq des sept longs métrages d’Andreï Tarkovski. L’occasion de se replonger dans l’intensité imposante de ces films-mondes, aux confins du rêve et de l’interrogation métaphysique.
Réputée intellectuelle et hermétique, l’œuvre de Tarkovski semble aujourd’hui souffrir d’une forme d’injustice. Considéré à sa mort en 1986 comme l’un des plus grands cinéastes au monde, sa gloire s’est un peu émoussée ; ses films embrasent assez peu les nouvelles générations de cinéphiles. Pourtant, à l’instar des Dreyer, Rossellini et Bresson, il fait partie d’une famille de réalisateurs qui n’ont cessé d’interroger le frottement entre le réel et sa transcendance, mais sous une forme peut-être plus ludique que ses trois frères.
Son œuvre débute avec L’Enfance d’Ivan (1962), qu’il réalise alors qu’il n’a pas 30 ans. Déjà impressionnant de virtuosité et de maîtrise, le film suit un orphelin devenu enfant-soldat qui se remémore son tendre passé en compagnie de sa famille assassinée par les nazis. Ce film permettra à Tarkovski de remporter le Lion d’or à Venise la même année. S’il ne subira pas la censure pour ce premier long métrage non-dénué d’un certain esprit de propagande, il aura par la suite toutes les peines du monde à concilier sa liberté d’auteur avec la censure soviétique.
Son second film, Andreï Roublev (1966), n’est présenté à Cannes qu’en 1969, amputé de vingt minutes. Après ce nouveau film historique centré sur un peintre d’icônes religieux du XVe siècle, Tarkovski effectue un saut dans le temps et tourne le science-fictionnesque Solaris (1972), le 2001: l’odyssée de l’espace soviétique. Par la suite, il ne réalisera que des films “hors du temps” ; à l’image des énigmatiques Le Miroir (1975), ambitieux feuilleté de souvenirs, et Stalker (1979), plongée dans une mystérieuse zone interdite.
Emprunts de mysticisme et de poésie, ses films constituent une expérience sans pareille de la frontière entre l’imaginaire et le sensible, entre l’humanisme et la barbarie, entre le sacré et le profane, entre la vie et la mort. Habitée par un fort rapport à une nature investie de symboles et théâtre d’une quête existentielle et métaphysique, son œuvre est traversée par le sentiment de la perte, que cela soit d’un être cher, d’une idée du divin ou même d’un rêve.
L’imposante intensité de son univers, la beauté foudroyante de son esthétique et la maîtrise de son art poussée à un niveau de perfection rarement atteint (il mettait en moyenne quatre ans pour achever un long métrage) font des films de Tarkovski des films-mondes, qui poussent leur interrogation du réel jusqu’à le rendre étranger à notre regard et jusqu’à générer leur propre réel, un réel dont la vision imprime et habite la rétine pour un temps qui excède largement la durée de la projection.
Rétrospective Andreï Tarkovski – 5 films russes (L’Enfance d’Ivan, Andreï Roublev, Solaris, Le Miroir, Stalker) rétrospective complète à la Cinémathèque française jusqu’au 12 juillet