La mascotte à moustache de Nintendo est de retour dans « The Origami King », nouvel épisode de la série « Paper Mario » qui prend ses distances avec l’orientation jeu de rôle des précédents mais pas avec leur sens de la comédie. Et aussi : le superbe visual novel bordelais « Across the Grooves » et cinq autres conseils vidéoludiques pour l’été : « Neversong », « Superliminal », « Story of Seasons : Friends of Mineral Town », « Neon Abyss » et « Rock of Ages 3 ».
Selon certains avis généralement bien informés, la fin de l’année pourrait, chez Nintendo, prendre la forme d’un feu d’artifice de jeux Mario pour célébrer le 35e anniversaire du platformer pionnier Super Mario Bros, paru le 13 septembre 1985 au Japon, avec notamment des rééditions des principales aventures 3D du bondissant plombier. En attendant, c’est par l’intermédiaire de l’un de ses innombrables jeux spin-off que la mascotte à moustache occupe le terrain, dans un esprit aventureux et rieur idéalement estival.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Jeu de rôle
La série s’appelle Paper Mario et, depuis déjà vingt ans, elle se distingue notamment par sa manière de marier l’univers bariolé de Mario et ses principes ludiques emblématiques, à commencer par l’importance des sauts, avec ceux du jeu de rôle. Sauf que, justement, l’épisode 2020 baptisé The Origami King prend nettement ses distances avec le RPG, jusqu’à abandonner complètement les points d’expériences que l’on y gagne traditionnellement au fil des combats.
>> A lire aussi : “Ghost of Tsushima” : comme un air d’“Assassin’s Creed” chez Kurosawa
Mais, étrangement, lesdits combats se déroulant au tour par tour sont toujours très présents et, malgré (ou à cause de) la tentative de les enrichir d’une dimension de puzzle game (en nous demandent de réorganiser la position des ennemis sur un plateau de jeu circulaire avant de les attaquer), ont tendance à se révéler assez vite fastidieux. Dans ce genre de situation, les fans de jeux de rôle se consolent couramment grâce à la distribution de points qui suit la fin des combats : aussi ennuyeux soient-ils, ces derniers leur apportent au moins de quoi faire progresser leurs personnages. Mais aucune compensation de ce type dans The Origami King où, quand on a le sentiment de perdre son temps, ce n’est pas qu’à moitié.
Et pourtant, le sixième volet de la saga Paper Mario n’est pas un jeu que l’on abandonne facilement car il se révèle aussi l’un des plus drôles et réjouissants de ces derniers temps. Pas par ses grands concepts – à commencer par son système de combat réinventé, donc – mais plutôt par sa multitude de petites idées relevant du gag ludique qui en font un excellent jeu-comédie. Parfois, c’est un dialogue qui fait mouche. Ailleurs, c’est une forme en mouvement, comme celle de l’un de ces Toad cachés que l’on doit retrouver et qui, transformé en origami comme bon nombre d’éléments de l’aventure, se déplace au sol d’une cuisine à la manière d’un un cafard. Dans une série où tous les personnages sont faits de papier, les possibilités de transformations burlesques ne manquent d’ailleurs pas et les designers s’en donnent à cœur joie.
Parc d’attractions
Alors on continue et, après quelques heures de jeu, on arrive (en barque, avec un Bob-omb et un Toad à chapeau) à Shogunland, un parc à thème sur le Japon traditionnel, et la véritable nature de The Origami King devient flagrante. S’il se révèle plus bancal et inégal que le premier Paper Mario (2000) et son successeur direct Paper Mario : La Porte millénaire (2004), ce Paper Mario nouveau remplit tout à fait sa mission si on l’aborde comme un parc d’attractions ou une fête foraine, avec ses manèges pittoresques, ses labyrinthes et ses manoirs hantés, ses stands de tir, ses épreuves d’adresse et ses défilés costumés – on y déniche d’ailleurs pour notre Mario en papier de très seyants masques de Samus Aran, l’héroïne de Metroid, ou de Donkey Kong. Ses freaks à admirer, dans un esprit un peu rétro, aussi. C’est un grand 8 avec ses phases lentes et ses accélérations, ses trous d’air et ses montées débridées. Parfois, aussi, on a un peu l’impression de simplement faire la queue, d’attendre d’avoir le droit de monter à notre tour sur la prochaine attraction. Ça peut être long. Mais quand on est dessus, c’est généralement tout bon.
Jouer à The Origami King et l’aimer malgré tout, c’est se résoudre à ses déséquilibres et faire avec notre engagement changeant. C’est accepter qu’un jeu (comme un film, un livre, un disque) n’a pas absolument besoin d’être grand ni même réussi tout le temps. Ce Paper Mario nouveau l’est seulement assez souvent. C’est déjà réjouissant.
Paper Mario : The Origami King (Intelligent Systems / Nintendo), sur Switch, environ 60€
Et aussi :
« Across the Grooves »
Certains disques peuvent changer une vie. Parce qu’ils sont forts, justes et qu’ils nous tombent dessus pile au bon moment. Dans le très beau Across the Grooves du studio bordelais Nova-box, c’est littéralement qu’un certain disque transforme l’existence de ceux qui se risquent à l’écouter : en modifiant leur passé, avec à la clé la disparition de certains événements, pour les précipiter dans un nouveau présent. Cette rencontre n’a jamais eu lieu. Vous ne travaillez plus dans une banque. Vous vivez dans un autre pays depuis plusieurs années. L’un des personnages rencontrés utilisera le terme de « réalignement ».
Mais d’ailleurs, c’est quoi, ce vinyle magique ? Pour certains, il aurait été gravé par le légendaire bluesman Robert Johnson bien après sa disparition officielle. Pour d’autres, c’est à l’occultiste Aleister Crowley qu’on devrait son enregistrement. Une chose est sûre : pas mal de monde semble être à sa recherche lorsqu’il arrive chez Alice, qui reconnaît immédiatement sur l’enveloppe l’écriture de son ex, Ulysse. Commence alors un voyage en six étapes qui conduira la jeune femme de Bordeaux à Glasgow en passant par Paris (sans compter d’autres destinations qu’il vaut mieux laisser chacun découvrir).
Dans ce jeu d’enquête intime aux dessins superbes et reprenant les codes du visual novel qu’est Across the Grooves, la musique tient une place centrale à la fois comme expérience (avec quelques chansons interactives en plus d’un formidable travail sur la bande-son), comme culture (avec une avalanche de références, de Led Zeppelin à Sleater-Kinney) et comme manière collective de vivre (qui, par moments, rappelle étrangement le Vernon Subutex de Virginie Despentes). Les différentes « réalités » par lesquelles passe notre Alice moderne peuvent d’ailleurs se voir comme autant de versions réorchestrées, de remix plus ou moins mélodieux et rythmés de sa propre vie.
Cette petite dose de fantastique vient subtilement modifier la logique du jeu d’aventure reposant sur une série de choix qui donnent l’impression d’une certaine maîtrise sur le récit. Car le vinyle qui change la vie, c’est le non-contrôle par excellence, le plongeon dans l’inconnu, avec quelques craintes mais aussi beaucoup d’espoirs pour Alice comme pour les autres personnages qui s’y essaient en acceptant le doute, l’incertitude. On ne doute pas qu’une vie puisse être changée aussi par un jeu vidéo. Quel que soit son effet à long terme, l’arrivée du follement romanesque Across the Groove dans la nôtre est un merveilleux cadeau.
Sur Switch, Mac, Windows et Linux, Nova-box, de 13 à 17€.
« Neversong »
Ne pas se fier à l’allure plutôt mignonne de Neversong : c’est à un voyage heurté et assez perturbant au pays des cauchemars que nous convie le jeu de l’Américain Thomas Brush, paru en mai sur PC et iOS et fraîchement adapté sur consoles. Quelque part entre Limbo (pour le parti pris macabre et le style graphique merveilleusement minimaliste) et Night in the Woods (pour l’esprit de ses dialogues et sa manière de nous promener dans ses décors en 2D), avec un côté Metroidvania dans sa progression, Neversong nous installe dans la peau, ou plutôt la tête, du jeune Peet, qui se réveille – mais est-il vraiment réveillé ? – d’un coma et découvre le monde changé : Wren, sa petite amie a disparu, tout est bizarre et quelqu’un lui assure même que « les adultes se transforment en monstres ». Lorsqu’on triomphe d’un niveau, notre réponse est une chanson, qu’on s’empresse d’aller jouer sur le piano de Wren pour voir ce que sa mélodie va produire. Joliment tenu et idéalement resserré (compter trois ou quatre heures pour en voir le bout), Neversong est de ces jeux précieux qui font à la fois froid dans le dos et chaud au cœur.
Sur PS4, Xbox One, Switch, Windows et Linux, Atmos Games / Serenity Forge, environ 15€. Egalement disponible sur Apple Arcade.
« Superliminal »
« La perception est la réalité », nous explique très tôt Superliminal. Tel sera la règle au cours des 2 à 4 heures (selon notre perspicacité) que durera cette subtile aventure narrative que, pour aller vite, on situera entre Portal (pour les puzzles « physiques ») et The Stanley Parable (en moins bavard). Et qui, elle aussi, gagne les consoles quelques mois après le PC. Par exemple, si vous posez un cube à un bout de la pièce et que vous vous éloignez, il devient petit parce que vous le voyez petit. Et si vous le laissez tomber du plafond, il devient de plus en plus gros au fur et à mesure qu’il se rapproche de vous. On se creuse donc la tête pour résoudre les énigmes de chaque salle. Comment poser un objet sur l’interrupteur présent au sol alors qu’il est impossible d’en emporter dans cette pièce ? Comment sortir alors que l’unique porte, que l’on vient d’ouvrir grâce à un morceau de fromage, se révèle murée ? Et puis il y a ce couloir d’hôtel qui fait grandir (?), cet autre qui se déforme à vue d’œil, cet endroit qui se révèle un simple décor… Jeu cérébral et tactile à la fois (car il invite à toucher, attraper, expérimenter), Superliminal est l’une des meilleures surprises de l’été.
Sur PS4, Xbox One et Switch, Pillow Castle Games, de 16 à 20€. Egalement disponible sur Windows.
« Story of Seasons : Friends of Mineral Town »
Pour ceux qui auraient fait le tour d’Animal Crossing (malgré l’ajout, pour l’été, de la possibilité de s’y baigner), Minérale-Ville constitue probablement la meilleure destination de remplacement. Friends of Mineral Town n’est pas une pure nouveauté puisqu’il s’agit du remake d’un remake, mais cela en fait la version la plus aboutie de ce que beaucoup voient comme le meilleur épisode de l’ex-saga Harvest Moon, devenue pour des questions de droits Story of Seasons (et qui inspira largement le hit indé Stardew Valley). Attention quand même pour les arrivants d’Animal Crossing : ici, on ne part flâner le nez au vent qu’après avoir effectué ses tâches quotidiennes à la ferme. Alors on plante, on moissonne, on nourrit les bêtes. Comme dans le plus réaliste Farming Simulator, la répétition même des gestes, délassante, fait du bien. Et après, on file en ville, en faisant bien attention aux horaires d’ouverture du café ou des magasins – dans son rapport au temps, il n’est pas impossible que Harvest Moon ait inspiré Shenmue. Peut-être y rencontrera-t-on l’amour ? A noter que les versions masculine et féminine de Friends of Mineral Town, jadis séparées, sont cette fois réunies. Et que cette adaptation occidentale du jeu japonais gagne la possibilité d’épouser un personnage du même sexe que le nôtre. Devant la richesse et le charme de l’ensemble, on ne voit pas ce qu’on pourrait demander de plus.
Sur Switch, Marvelous / Just For Games, environ 50€.
« Neon Abyss »
Pour danser, appuyer sur la gâchette droite. Si, malgré quelques inspirations originales (dont ces œufs que l’on trimballe derrière soi en attendant qu’ils éclosent et nous apportent de nouveaux pouvoirs), Neon Abyss ne renouvelle pas fondamentalement le Rogue-like et ne bouleversera donc pas les habitudes des adeptes de The Binding of Isaac, Dead Cells ou Enter the Gungeon, les membres du studio chinois Veewo ont visiblement compris deux ou trois choses du genre, voire du jeu vidéo en général, qui apportent une touche particulière à Neon Abyss. Une partie de Rogue-like, c’est une fête jamais vraiment différente de la précédente et pourtant jamais tout à fait pareil non plus, une cérémonie nocturne déguisée, une nouvelle danse sur le même morceau à peine réarrangé, qui ne s’arrêtera que pour mieux recommencer – on veut retrouver la fièvre, et si possible faire mieux. Le dancefloor que l’on dépasse avant chaque départ pour l’action (et où, donc, on peut se trémousser un peu) est le modèle de Neon Abyss, entêtant run and gun qui a aussi pour qualité de se montrer moins sévère que d’autres. Un très bon compagnon, donc.
Sur PS4, Xbox One, Switch et Windows, Veewo Games / Team 17, environ 20€.
« Rock of Ages 3 : Make & Break »
C’est, si l’on veut, l’improbable enfant de Super Monkey Ball et du tower defense. Ou un Katamary Damacy à l’esthétique revue par les Monty Python. Et puis une relecture enfin originale de l’histoire de l’humanité – pour réviser tout l’été, genre. Drôle de jeu foutraque et bourré d’idées du studio chilien ACE Team devenu culte au point d’en être déjà à son troisième volet, Rock of Ages est une affaire en deux temps. Il y a l’attaque éminemment cathartique (où l’on casse tout chez l’ennemi avec notre gros rocher roulant) et la défense plus réfléchie et néanmoins fiévreuse (où l’on installe tours, catapultes et unités diverses sur la route de notre château pour repousser les rocs adverses). Deux jeux en un, en somme, et même un troisième avec la possibilité de créer ses propres niveaux et d’essayer ceux de la « communauté ». A titre très personnel, on a toujours trouvé quelque chose d’angoissant au genre tower defense. Mais ce n’est pas une raison pour dégoûter les autres de ce singulier cocktail.
Sur PS4, Xbox One, Switch, Windows et Stadia, ACE Team / Giant Monkey Robot / Modus Games, environ 30€
>> A lire aussi : “Deadly Premonition 2” : Retour réussi pour le “Twin Peaks” du jeu vidéo
{"type":"Banniere-Basse"}