Harry Potter a 20 ans. Pour célébrer l’événement la Warner ressort le premier volet ciné de la saga « Harry Potter à l’école des sorciers » en version 4K. L’occasion parfaite pour se replonger dans le film et faire revivre, au passage, une partie de notre enfance.
Il y a quelques jours, avant de lancer Harry Potter à l’école des sorciers sur le petit écran de notre ordi portable, on pensait avoir « un peu » oublié. Comme une évidence refoulée, on supposait n’avoir gardé du film de notre enfance que quelques images : Harry et sa légendaire cicatrice, une jolie chouette blanche, Hermione et son épaisse chevelure, Ron, son air benêt et puis Hagrid et son « J’aurais pas dû dire ça« . C’était bien évidemment un leurre. Il aura suffi d’un générique, d’une mélodie, d’une vue d’ensemble sur un quartier résidentiel anglais endormi et d’une adresse, le 4 Privet Drive, pour que les souvenirs rejaillissent d’un coup de baguette magique.
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Le mythe Harry Potter
Le placard à balai-chambre du petit Harry, les enveloppes signées à l’encre verte, la voie 9 ¾, les dragées surprises de Bertie Crochue goût crotte de nez, le premier cours de quidditch, la première formule magique Wingardium Leviosa que l’on s’amusait à imiter en classe avec un vieux stylo quatre couleurs (« on tourne et on abaisse« ) devant une feuille de papier inerte, les immenses tables du réfectoire de l’école Poudlard et ses banquets gargantuesques, le salon cosy de la maison de Gryffondor, les regards faussement assassins de Rogue et ceux vraiment tendres de Dumbledore… Instantanément et avant même d’avoir vraiment commencé, le film se rejouait sous nos yeux et l’on goûtait à ce même sentiment éprouvé aux premières notes d’une vieille chanson, dont les paroles que l’on croyait perdues dans la mémoire finissent par s’échapper de notre bouche comme par magie.
Pour beaucoup d’enfants des années 90, dont nous sommes, Harry Potter est bien plus qu’une saga à succès, c’est même une certaine idée de l’enfance : de ses nuits d’insomnie où recroquevillé, en nage sous sa couverture on dévore, à l’aide d’une lampe de poche, le livre désiré offert la veille par ses parents ; de ses journées planifiées bien à l’avance où l’on s’agglutine après les cours du mercredi matin, par bande devant les portes du cinéma du coin pour être sûr de ne pas manquer la première séance de l’après-midi ou encore de ces week-end passés cloîtré dans sa chambre à jouer aux apprentis sorciers, paré d’un vieux tissu noir, d’une règle en bois et d’une marmite Ikea en guise de chaudron magique – parties de jeux qui dégénéraient forcément quand on ordonnait au plus petit d’entre nous d’incarner le sympathique quoi que très peu charismatique Nevil Londubat.
Harry Potter c’était bien évidemment la découverte émerveillée d’un univers peuplé d’étranges créatures, de forces maléfiques et de valeureux petits sorciers mais c’était aussi l’initiation à un langage qu’on s’évertuait à apprendre (animagus, détraqueurs, bièreaubeurre, cognard, cracmol, épouvantard, moldus, patronus, polynectar…), à une chronologie et à une famille de personnages qu’il fallait, comme une discipline, maîtriser sur le bout des doigts. Mais si la saga imaginée par J.K Rowling a suscité une telle ferveur et admiration du jeune public c’est aussi probablement parce qu’elle cristallisait l’un des plus grands fantasmes enfantins : découvrir derrière l’ordinaire du réel un monde fantastique et faire d’un garçonnet binoclard, au morne quotidien, la superstar du royaume des sorciers. Quel enfant n’aurait pas donné père, mère, sœur, chien, chat, poisson rouge et même sa carte de Dracaufeu (quoique…) pour vivre l’expérience Poudlard, cette joyeuse colonie de vacances déguisée en école, et appartenir à la maison Gryffondor (ou Serpentard pour les rebelles en toc dont on savait très bien que c’était du bluff).
Si Harry Potter est devenu la référence teen que l’on connaît, c’est aussi probablement parce-que, sous ses inventions fantaisistes et ses babioles exotiques se trouve le récit d’apprentissage d’un petit garçon de 11 ans, du même âge ou presque que ses jeunes admirateurs. Les aventures du jeune Harry et de ses comparses ont rythmé nos années. Les fans les plus furieux s’empressaient d’acquérir à sa sortie la version originale du roman dans l’espoir d’y déchiffrer quelques précieux indices. Les autres, peu friand de lecture, attendaient dans une excitation à peine tenable la sortie du nouvel opus au cinéma. Dès lors les kids biberonnés à la saga parentale Star Wars qui s’étaient longtemps rêvés en brave jedi, désiraient définitivement troquer leur sabre laser contre une baguette magique. Et les chiffres l’attestent : aux Etats-Unis, dès son premier jour d’exploitation, Harry Potter à l’école des sorciers détrône Star Wars – La Menace Fantôme.
Chien à trois têtes et araignées géantes : retour aux peurs primaires
Au début des années 2000, l’événement Harry Potter envahit les chambres de gosses. A cette époque Steven Spielberg, tout juste sorti du l’immense succès d’Il faut sauver le soldat Ryan, séduit par l’histoire de cet orphelin pas comme les autres, souhaite adapter le premier tome au cinéma et a déjà trouvé en la personne du jeune comédien Haley Joel Osment son idéal de petit sorcier. Seul hic, J.K Rowling exige que son personnage soit incarné par un acteur britannique. Spielberg lâche le projet et confiera en 2012 : « J’avais simplement le sentiment que je n’étais pas prêt à faire un film 100% destiné aux enfants » Un ratage heureux en somme puisque peu de temps après le cinéaste réalisera le sublime A.I Intelligence artificielle avec le même Haley Joel Osment dans le rôle d’un petit robot meurtri. Les rênes du projet seront finalement confiées à Chris Colombus. Sous la houlette du pape du teenage movie (Goonies, Gremlins, Maman j’ai raté l’avion, Madame Doubtfire), le film polit la morbidité qui imprégnait le premier roman, amoindrit sa force tragique pour ne garder que le trépidant récit d’aventure.
A la fois proche des jeunes héros spielbergien dans leur courage et leur lucidité sur le monde qui les entoure, les petits british d’Harry Potter ont quelque chose de bien plus enfantin que leurs cousins américains. Car chez Spielberg ce qui terrifie les enfants spectateurs n’est pas tant la venue d’un étrange extraterrestre ou les visages ravagés de robots à l’apparence humaine que le rejet, la stigmatisation, la peur d’abandon et le manque d’amour dont ils font l’objet. De l’autre côté de l’écran c’est la même chose. Les souvenirs des adieux déchirants entre E.T et Elliott ou la séquence en forêt où David, l’enfant robot de A.I est abandonné par sa mère, restent comme des traumas enfantins bien plus grand que la vue d’un monstre velu. Sur ce point, la saga ciné Harry Potter, en tout cas ses deux premiers opus, opère un mouvement inverse aux films de Spielberg. Sans être dénués d’une certaine violence, Harry Potter à l’école des sorciers et Harry Potter et la chambre des secrets cristallisent les peurs primaires de l’enfance. A l’inverse des films de Spielberg, ici ce n’est pas tant la disparition des parents d’Harry, pourtant tragique, qui tétanise le jeune public mais plutôt son lot de chien à trois têtes, araignées géantes et monstrueux serpents. Ce n’est qu’à partir du troisième opus, le meilleur selon nous, réalisé par Alfonso Cuaron, que les thèmes de filiation (à travers le bouleversant personnage de Sirius Black), du deuil mais aussi de l’exclusion (Hermione traitée de « sang-de-bourbe » par Drago Malefoy, Ron stigmatisé parce qu’issu d’une famille modeste) seront davantage prégnantes.
C’est justement parce qu’il est un film destiné entièrement aux enfants, sans véritable grille de lecture sous-jacente pour adulte, que le premier volet a suscité au cinéma un tel engouement auprès du jeune public. Épousant le point de vue de ses jeunes personnages, la saga ciné Harry Potter grandit en fonction de la maturité de ses protagonistes – et en miroir, de ses spectateurs.
Influences et malédictions
Après l’irruption sur les écrans d’Harry Potter au début du 21e siècle le paysage du divertissement se meut. Les franchises adaptées de littérature pour young adults se multiplient. De la fantasy (Le monde de Narnia, Twilight, À la croisée des mondes), à la SF tendance dystopie (Hunger Games, Le Labyrinthe, Divergent) tous les studios cherchent à recréer le raz-de-marée Harry Potter. Mais si la franchise est unique, c’est aussi car elle déclinée d’un seul bloc sur une décennie et saura conserver miraculeusement le même casting pour chaque nouvel opus. La seule exception étant pour le rôle de Dumbledore interprété par Richard Harris puis repris après sa mort par Michael Gambon.
Ce pacte de fidélité infaillible des acteurs explique peut-être que presque aucun teenagers révélés par la saga n’a réussi à vraiment se réinventer à l’écran après l’ère Harry Potter. Hormis Emma Watson et Rob Pattinson, l’ensemble de son casting semble depuis la fin de la franchise prisonniers de celle-ci, réduit à être des personnages plutôt qu’à des acteurs, comme s’ils étaient victimes d’un mauvais sort. Qui pourrait par exemple citer les noms des comédiens interprétant Neville, Drago, Crabbe, Goyle ? Pas grand monde. Si le nom de Daniel Radcliffe est quant à lui resté, il est impossible de ne pas voir en lui le jeune sorcier qu’il était et ce malgré les multiples tentatives du comédien pour se construire un après Harry Potter. Tout comme Mark Hamill restera pour toujours Luke, Elijah Wood restera Frodon et Daniel Radcliffe sera toujours Harry.
Aujourd’hui Stranger Things est sûrement le programme qui semble reproduire au plus près la même mécanique, celle de voir grandir en direct ses acteurs, déjà petites stars d’Hollywood. Mais alors que la série Netflix constitue l’un des phénomènes les plus importants de la pop culture de ces dernières années, il serait intéressant de voir si les enfants du show seront eux-aussi pris par le même sort. Pourront-ils sortir un jour de l’upside down et venger toutes ces anciennes stars condamnées à rester pour l’éternité à Poudlard ?
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