A l’occasion de la sortie du nouveau livre de la romancière Christine Angot, « Un Tournant de la vie », les critiques de l’émission du Masque et la Plume n’ont pas été tendres pour la chroniqueuse de « On n’est pas couché ».
« C’est intéressant de voir que le vide a découvert sa forme ». Cette phrase méchante, d’une ironie cinglante, c’est celle de Jean-Claude Raspiengeas, un des chroniqueurs de l’émission radio Le Masque et la Plume, à propos du nouveau livre de Christine Angot Un Tournant de la vie. Ce matin 11 septembre, et sur les ondes de France Inter, la chroniqueuse d’On n’est pas couché, en a pris pour son grade, malgré les défenses toutes aussi vaines que désespérées d’Arnaud Viviant.
"Un effondrement littéraire" – Le Masque dézingue le livre de #ChristineAngot "Un tournant de la vie" #lecture https://t.co/lbZZsnK9Yd pic.twitter.com/C6PwUInK5H
— France Inter (@franceinter) September 11, 2018
Si Jean-Claude Raspiengeas est si acerbe, c’est sûrement parce qu’il préfère le rire au désespoir, si on en croit son commentaire.
« Moi je dois vous avouer que j’ai ri à toutes les pages, et je tiens à préciser que ce n’est absolument pas la volonté de l’auteur. C’est hilarant de bêtise. »
Pas de demi-mesure face à l’ampleur de l’échec littéraire que serait pour lui le nouvel ouvrage de Christine Angot. Le chroniqueur va même jusqu’à citer Flaubert expliquant que « la bêtise était quelque chose qui vous laissait la bouche ouverte […] C’est le degré zéro du style : pauvreté de vocabulaire, dialogue pitoyable, niaiseux, répétitif, inconsistant… La maigreur de tout ça… ». Le chroniqueur n’en peut plus. Verdict : « C’est une rédaction de 4eme. « C’est dégueulasse pour les 4ème », commente, tout aussi pinçant, un autre critique sous les rires hystériques du public.
« Vide » et « niaiserie »
Reprenons. Christine Angot vient de sortir Un Tournant de la vie, histoire d’amour entre Patrice, une écrivaine peinant à écrire et où les critiques croient voir un double de l’auteur, et hésitant entre la fidélité à l’homme qu’elle aime face au désir qu’un autre provoque en elle, un autre double pour les chroniqueurs, ici de Doc Gynéco –ancien amant de Christine Angot. Un roman à l’eau de rose où les « dialogues sont indigents, ce n’est même pas un carnet de blanchisseuse ou une liste de courses », lâche, scandalisé, Eric Neuhoff. Les dialogues, mais aussi les choix littéraires relèveraient d’une véritable niaiserie : « Le personnage s’appelle Alex, elle le surnomme Alexinou, minou ! ». On comprend mieux pourquoi il commençait sa critique ainsi : « elle fait des progrès, c’est encore pire que d’habitude ».
Aucune des remarques d’Arnaud Viviant, seule critique à essayer, tant bien que mal, de réhabiliter l’écrivaine en reconnaissant un roman « bien écrit« , n’aura de réel effet sur ses confrères. Même lui ne peut s’empêcher de remarquer que quelque chose a changé : « C’est une maître ou maîtresse de l’auto-fiction. Ça fait 20 ans qu’elle en fait. [Mais] là c’est vrai, elle donne les verges pour se faire battre, elle cherche les coups… « .
« On est dans le rien. On est dans un mélange de vieille série de TF1 et de sous-Duras. Et c’est accablant ! […] Et connaissant le parcours d’Angot, le fait qu’elle a un point de vue sur la littérature… je suis stupéfait, sidéré, de cet effondrement. C’est un effondrement littéraire ».
Inspecté, dépecé, presque autopsié, le livre de Christine Angot révolte autant qu’il choque les présentateurs par sa supposée simplicité. Pour Jean-Claude Raspiengeas, c’est l’occasion de la révélation, du dévoilement, de la vérité de son œuvre…qui n’en serait pas une : « On nous bassine depuis des années que Christine Angot est l’héritière de Marguerite Yourcenar. C’est pas du tout ça. C’est la nouvelle Madeleine Chapsal [écrivaine très prolifique des années 1970 à 2016 dont l’œuvre se compose essentiellement de romans à l’eau de rose] ! Les gens qui ont encensé Christine Angot depuis des années, avec ce livre, devraient maintenant être couvert de goudrons et de plumes comme dans Lucky Lucke. »
Angot montre qu’elle n’a pas peur d’avoir peur
Dans les colonnes des Inrockuptibles, Nelly Kaprièlian, également chroniqueuse au Masque (mais absente ce soir là), avait défendu le livre tout en revenant sur la détestation dont Christine Angot est aujourd’hui l’objet :
« Au fond, le geste littéraire d’Angot est moins simple que ce que l’on pourrait croire de prime abord : sous l’apparente neutralité d’une capture directe du réel, l’auteure use peut-être plus que l’on ne le croit des artifices de la fiction pour dire l’essence problématique de notre rapport à la vie. Et si la vivre revenait à la lire, elle-même, comme un roman qu’on interprète si souvent de travers ? Au fond, Un tournant de la vie est le lieu d’une lutte entre un écrivain et l’écriture pour arracher un peu de vrai à une vie qui nous abuse si souvent. »