Huit ans que Cypress Hill n’avait pas sorti d’album. Avec « Elephants On Acid » et la tournée qui s’annonce, le vide est comblé. Drogues, ésotérisme, exploration des sonorités indiennes et de la conscience… Rencontre avec le cerveau du groupe californien mythique, DJ Muggs, qui est à l’image de ce nouveau projet : perché.
Le dernier album de Cypress Hil date d’il y a huit ans déjà. Pourquoi avoir pris tant de temps ?
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DJ Muggs – Tu sais mec, c’est la vie, tout le monde a une famille et n’a pas forcément le temps de penser business. Mais il fallait que l’on revienne comme un groupe, ressortir les flingues et retourner à la guerre.
Est-ce que ça vous a manqué ?
Ces mecs sont mes frères, tu vois, je les vois tout le temps, on se parle sans arrêt… Je me lève tous les matins pour parfaire mon art, pour le faire avancer, donc je ne peux pas dire que ça m’ait manqué. Il était juste temps de faire cela en tant que Cypress Hill. A partir de là, je réveille une partie éteinte de mon cerveau, celle qui est consacrée au groupe.
Oui, parce que vous avez tous des projets à côté…
Pour moi, ce ne sont pas des side-projects. Je fais toujours quelque chose. Avec Cypress Hill, je me vois un peu comme un dragon endormi. Je me réveille, je déploie mes ailes, et je vole vers un nouveau domaine. Tu vois les délires ? Cette partie de mon cerveau ne fait qu’attendre l’appel de Cypress Hill.
Il y a vingt ans… (il coupe)
Le temps n’existe pas, mec ! Le temps est une putain d’illusion. La seule chose qui soit réelle, c’est le présent.
Mais est-ce que vous parvenez toujours à travailler de la même manière qu’il y a vingt ans ?
Je ne m’en rappelle pas. Qu’est-ce qu’on s’en fout de ce que j’ai fait il y a vingt ans ? Peu importe ce que j’ai fait, c’est le présent qui est important. Ne me pose plus de questions qui ne concernent pas le présent.
Très bien… Ce nouvel album, Elephants On Acid, est empreint de psychédélisme. Certains titres s’appellent LSD ou Thru The Rabbit Hole, il y a beaucoup de sitar et de sonorités sixties… (il coupe)
Ce n’est pas un album qui traite de psychédélisme. C’est juste de la musique, mec. La musique que je compose vient de mon subconscient, de mes rêves. Il faut rester ouvert sur l’univers. C’est un album abstrait. Il va vouloir dire quelque chose pour moi, quelque chose de différent pour toi, et encore autre chose pour une personne différente. Tout le monde en tirera ce qu’il veut. Cypress Hill crée son propre univers, son propre monde. Cypress Hill se fout des styles musicaux. Cypress Hill n’est pas une seule chose, c’est tout l’univers en même temps.
Mais cette atmosphère est unique dans votre discographie… Qu’est-ce qui a changé chez vous pour en arriver là ?
D’abord, il faut savoir que je ne suis influencé par personne. Enfin, pas par des musiciens. Je suis influencé par H.R. Giger (le créateur de l’univers d’Alien, ndlr), des gens comme ça, des génies comme Pablo Picasso.
Comment parviens-tu à traduire cette influence de Picasso en musique ?
Parce que je suis un maître dans mon art.
Cet album contient beaucoup de sons très bruts, assez crades… Est-ce dû à l’utilisation de samples ?
Il y a une chose que je n’avais faite sur aucun album jusque-là : je n’ai pas mis ma vie entre parenthèse pendant l’enregistrement. Ma vie et cet album sont donc totalement liés, totalement cohérents.
D’accord, mais par exemple, un des titres de l’album s’appelle Stairway To Heaven, et on croirait presque que vous avez samplé le début du moreau de Led Zeppelin du même nom. Est-ce le cas ?
Non, il n’y a qu’un seul sample sur cet album, le reste a été joué live. Je suis devenu un maître dans l’art de faire sonner les sons que je crée comme des samples, en les vieillissant, en les rendant plus bruts. Payer pour des samples, les clearer, ça peut vite devenir un truc insupportable. Tu peux parfois avoir un super track mais que tu ne peux pas sortir parce que ton sample n’est pas clearé. Je n’avais aucune envie de me lancer là-dedans avec Cypress Hill. Aujourd’hui les technologies permettent de s’en passer. Et puis j’ai enregistré deux joueurs de sitar, un qui vient d’Egypte, et l’autre de New York.
Ce morceau est-il une référence à Led Zeppelin ?
Pas vraiment, mais c’est vrai qu’il y a des similitudes.
Il y a beaucoup de références littéraires, cinématographiques… Le titre Thru The Rabbit Hole par exemple, évoque Alice au pays des merveilles. C’est une œuvre importante pour toi ou pour Cypress Hill en général ?
J’adore le dessin animé, car quand tu es un enfant, tu n’as aucune barrière à ton imagination. Ton esprit est parfaitement ouvert. Le réel et l’imaginaire passent leur temps à se mélanger, c’est un état très difficile à retrouver lorsque l’on grandit. En ce moment, nous sommes dans un monde où tout est réel, il nous faut donc stimuler notre imagination la plus pure. C’est ce qui m’importe, que les gens, en écoutant cet album, se livrent à une introspection. Car tout ce que tu as besoin de savoir dans la vie se trouve déjà en toi. Ecoute la musique avec tes oreilles, mais aussi avec tes yeux.
L’album s’appelle donc Elephants On Acid, qui sont ces éléphants ? Est-ce vous ?
Non mec, c’est toi ! C’est tout le monde ! Le titre vient d’un rêve que j’ai fait, pareil pour la pochette. Je me rappelle parfaitement de mes rêves, ils sont extrêmement concrets. Il faut un peu de pratique pour se rappeler de ses rêves, mais toi aussi tu peux le faire.
On dit qu’arrêter de fumer de la weed aide à se souvenir de ses rêves…
Ouais, c’est vrai. Personnellement, je ne fume pas avant de dormir, uniquement quand je travaille. C’est peut-être pour ça, j’en sais rien.
Peut-on aborder l’évolution du son de Cypress Hill et tes différentes manières de produire ?
Je ne sais pas mec… C’est compliqué parce que tu vas voir les choses d’une manière et moi d’une autre.
Mais il y a une évolution dans le son du groupe en vingt ans…. (il coupe)
Tu le crois vraiment ?
Oui…
Alors ok mec, si tu le dis, c’est que c’est le cas. On évolue tous dans des espaces-temps différents.
Par exemple, vous avez connu le succès dès 1991, époque où le rap West Coast commençait à être dominé par le G-Funk… Comment êtes-vous parvenus à vous démarquer musicalement au milieu de cette effervescence ?
En faisant ce que je sais faire. C’est mon job. Je parle comme personne d’autre, je marche comme personne d’autre, je suis maître de moi-même. Certaines personnes sont à la recherche de nouveauté. Ils regardent autour d’eux, prennent de bouts de ci, des bouts de ça, et en font un truc à leur sauce. Pas moi. Moi, je pars de zéro pour créer. Après, je ne peux pas parler pour les autres, mais ce que je sais, c’est que mon but premier est d’être original.
Cet été, tu as aussi sorti un son avec l’excellent MF Doom, Assassination Day, en featuring avec Kool G Rap… (il coupe)
Tout sera dans un documentaire que l’on sortira sur ce projet. On a déjà enregistré une dizaine de morceaux, ça sera prêt dans un an. En attendant, on parcoure le monde pour trouver de nouvelles sonorités, de nouvelles idées. On prend le temps, rien ne presse. On inspire profondément, on se détend, et on finit par aller bien plus vite que si on se pressait.
Propos recueillis par Brice Miclet
L’album Elephants on Acid sort le 28 septembre, sur BMG
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