L’inventeur de l’ambient poursuit dans sa voie lunaire.
Sachant qu’il n’existe en ce bas monde que deux types de musiciens – les cow-boys et les fermiers – Brian Eno s’est longtemps perçu comme faisant parti des premiers. “Les cow-boys cherchent de nouveaux espaces et sont enthousiasmés par le simple fait de découvrir un endroit où nul n’a mis les pieds”, explique-t-il dans le texte de présentation de Reflection.
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Dans les années 1970, notre Lucky Luke se débarrassait des derniers falbalas de sa période Roxy Music pour défricher un territoire sonore vierge sur lequel il plantait un fanion où l’on pouvait lire “ambient”. Un genre nouveau était né, lunaire dans tous les sens du terme, nourri de nappes spectrales, de fréquences contemplatives, conçu à l’aide de synthétiseurs, de bandes enregistrées et d’un jeu de cartes de son invention (Stratégies obliques) faisant du hasard un acteur à part entière de création.
A l’époque, le punk obligeait quiconque à des positions tranchées si bien que les premières émanations de cette nouvelle musique reçurent dans la presse les pires admonestations, telles que “dénué d’émotions” ou “insipide”. Depuis, l’ambient a fait beaucoup d’émules et produit des pièces maîtresses de musique “atmosphérique”. Tout en haut de la pile figurent Discreet Music, Thursday Afternoon (première œuvre conçue pour le compact disc) et Neroli, trois œuvres ouvragées par le petit maître chauve. Reflection s’inscrit dans cette lignée.
Cette pièce de cinquante quatre minutes avance par superpositions de couches sonores qui, s’imbriquant les unes dans les autres à la manière des nuages dans le ciel, finissent par générer une sorte d’apesanteur mentale propice à des activités absorbantes de bas régime énergétique, telles que le coloriage de mandalas, la lecture de guides zen ou mieux, l’oisiveté. Les plus sévères diront qu’Eno n’en finit plus de cultiver le même sillon. Lui même ne prétend pas autre chose et se dit aujourd’hui plus fermier que cow-boy.
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