Au plus près du musicien dans un émouvant et sensible documentaire qui montre le merveilleux résistant qu’il était.
Dans Blow Up, géniale websérie cinéphile diffusée sur Arte, Luc Lagier consacre certaines de ses vidéos à une actrice, un acteur, une réalisatrice ou un réalisateur, et s’interroge (si l’on cite le dernier en date) : “C’est qui, ou plutôt c’est quoi Sophia Loren ?”
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est cette question amusée et faussement naïve qui vient instantanément à l’esprit devant Daniel Darc, Pieces of My Life, portrait subjectif et non-exhaustif de l’ex-leader de Taxi Girl.
A ses commandes : Thierry Villeneuve et Marc Dufaud, ami intime qui n’a cessé de suivre et de filmer le Garçon sauvage (1993) au milieu des Enfants de la Blank (1995), des White Trash (1994) ou à la veille d’un aussi sublime qu’inattendu réveil, Rêve-Cœur, qui, en 2004, accompagnait la sortie de Crèvecœur, disque de la résurrection dont le film nous fait découvrir une partie des coulisses de la fabrication.
Au “qui“ réducteur, Pieces of My Life choisit le “quoi”, et plutôt que d’offrir une image déglinguée du regretté chanteur, compose un kaléidoscope (é)mouvant.
De Darc nous ne connaîtrons pas les secrets enfouis, les peines inavouables, les blessures encore vives, mais nous arpenterons, comme des pèlerins, les trottoirs parisiens qui l’ont vu bouger, visiterons sa chambre d’enfant, apprendrons son goût pour Godard, Kerouac ou Artaud. Le mythe Darc et ses innombrables coups d’éclat (la drogue, la scarification et le reste) ne sont ici pas auscultés.
C’était quoi Daniel Darc ?
Le duo préfère le caresser avec le naturel que permet la relation qui lie le filmé au filmeur, plutôt que de le broyer pour en extraire une vérité de toute façon impossible. Le documentaire ne se soucie d’ailleurs guère d’une quelconque exactitude biographique et se resserre autour d’une flopée d’images d’archives et de minces mais précieux témoignages de collaborateurs amis – le guitariste presque frère Georges Betzounis et le producteur Frédéric Lo.
Alors c’était quoi Daniel Darc ? Une allure fragile de dandy, une voix douce et déchirée presque désincarnée, une façon de se mouvoir dans l’espace avec cette aura innommable qui éclaire les plus grands. C’était l’histoire aussi flamboyante que tragique d’un garçon sans vocation destiné à devenir l’une des plus scintillantes icônes new-wave des années 1980.
Un fervent religieux au mal de vivre indomptable, qui, se souvient Marc Dufaud, comme l’écrivait Henry Miller sur Rimbaud, voulait “tout voir, tout sentir, tout épuiser, tout explorer, tout dire” et avait “fini par trouver sacré le désordre de son esprit”. C’était aussi bien plus qu’un nom bidouillé (Rozum), plus qu’une secousse musicale (Taxi Girl), avec ses tubes et ses bides. C’était une certaine idée romantique et poétique du punk, du rock et de l’artiste comme un résistant éperdu et merveilleux.
Daniel Darc, Pieces of My Life de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve, avec Daniel Darc, Frédéric Lo, Georges Betzounis (Fr., 2019, 1h45)
{"type":"Banniere-Basse"}