L’artiste apporte sa touche servie par trois générations d’interprètes à ce rituel japonais. Rencontre.
Dans ce hall de grand hôtel en plein cœur de Paris, Hiroshi Sugimoto ne dépareille pas trop avec les touristes en visite dans la capitale. Affable et précis, il s’anime pourtant en évoquant le nom donné à cette manifestation qui réunit le meilleur du Japon:
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“Japonismes, c’est un peu cliché, non ?” A la mention du kabuki, il sourit : “Un véritable succès commercial, ils n’ont pas besoin d’aide. Alors que le nô ou le bunraku sont fragiles. D’ailleurs, regardez les salles : il n’y a que des vieillards !”
Un franc-parler revigorant. Hiroshi Sugimoto, photographe et architecte, en avait surpris plus d’un avec sa “relecture” de la pièce de bunraku, Double suicide à Sonezaki, en 2013. Cet automne, il revient sur scène avec la famille Nomura : Mansaku – trésor national vivant –, son fils Mansai et son petit-fils Yûki.
“C’est une danse qui vient de la nuit des temps et n’a jamais cessé d’être donnée alors que si vous regardez la tragédie grecque, elle a été interrompue. Avec Sambasô, on est ailleurs”, dit Sugimoto. Et de préciser la nature même de cet art : “Nous sommes dans une tradition orale et c’est ce que l’on voit sur scène à travers cette réunion de trois ‘acteurs’ d’une même famille. C’est un peu comme une maturation de l’antiquité à nos jours.”
Des costumes teints avec des motifs d’une de ses photos
Dans cet univers si particulier des arts traditionnels au Japon, “on ne se retire pas. Il n’y a pas de retraite”. Manière élégante de dire que la présence de Mansaku Nomura tient autant du miracle que de la volonté. Evidemment, Hiroshi Sugimoto n’a pas touché à l’œuvre elle-même. Son apport est ailleurs, dans ces costumes teints avec des motifs d’une de ses photos, dans ce décor constitué de larges bandes.
A une époque pas si lointaine, en 1860, le Japon, alors à l’ère Meiji et pris dans un vent de modernité, a presque tourné le dos aux traditions. Avant de revenir à ses fondamentaux. Les arts en furent néanmoins bousculés. Façon de signaler que son approche du spectacle n’est peut-être pas si révolutionnaire.
La saison prochaine, Hiroshi Sugimoto travaillera avec le ballet de l’Opéra de Paris, un autre monde encore entre tradition et modernité. Il aura pour compagnons de route un chorégraphe “recommandé par William Forsythe”, Alessio Silvestrin, le styliste Rick Owens et le compositeur Ryoji Ikeda. “Ce ballet n’existe encore que dans ma tête”, lâche l’artiste avec malice.
En attendant, il se fait fort de montrer qu’une danse divine comme Sambasô a quelque chose à nous dire en 2018. “Ce qui caractérise le Japon, c’est cette manière de penser que les divinités habitent partout, jusque dans la nature. Dans l’histoire, vous retrouvez cela chez les Celtes, par exemple. Une façon de relier des mondes a priori éloignés”, affirme encore le créateur. Avec Hiroshi Sugimoto, le Japon n’a jamais été aussi proche.
Sambasô, danse divine Du 19 au 25 septembre, Théâtre de la Ville, Paris IIIe
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