Trois poches à lire chez la maison fureteuse où se côtoient des auteurs tels que Khaled Hosseini, Haruki Murakami, Bret Easton Ellis, Jim Harrison, Colum McCann, Toni Morrison et John Fante.
Du Tuff de Paul Beatty, satiriste prophétique de l’avénement de Donald Trump, à La Ligne de fracture de Jesmyn Ward où deux frères jumeaux noirs sont englués dans le Deep South ségrégationniste en passant par L’Age difficile d’Henry James disséquant les sentiments contradictoires de l’aristocratie britannique, les éditions 10/18 confirment leur appétence pour la littérature anglo-saxonne.
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Tuff de Paul Beatty
traduit de l’anglais (E.-U.) par Nathalie Bru, 408 p., 8,40 €
Si un ex-présentateur de téléréalité misogyne et raciste a pu conquérir la Maison Blanche, a priori, il n’y a plus vraiment de raison de s’étonner en matière de politique américaine. Right ? D’ailleurs, on n’a presque pas tiqué en lisant Paul Beatty imaginer la campagne électorale de Winston “Tuffy” Foshay, dealer d’East Harlem devenu, sur un coup de tête, candidat à la gouvernance de son district. Mais, aujourd’hui, ce qui nous épate dans ce roman écrit en 2000 par Beatty – ce satiriste acerbe de l’Amérique désunie récompensé du Man Booker Prize en 2016 – c’est sa dimension adroitement prophétique. Il y a dix-neuf ans, il pouvait y avoir quelque chose de comique à découvrir les ambitions municipales d’un ex-taulard cinéphile, fils de Black Panther, conseillé par un rabbin et dont le programme se résume à vouloir transformer son quartier en lieu où “les citoyens pourraient s’en donner à cœur joie, se droguer, baiser, rien branler et tout péter”. A présent, ça ne semble même plus grotesque. Make East Harlem Great Again ! Léonard Billot
L’Age difficile de Henry James
traduit de l’anglais (E.-U.) par Michel Sager, 528 p., 8,80 €
« Tout est différent de ce que c’était », fait remarquer la jeune Nanda, 18 ans, à la fin du roman. Car dans cet Age difficile, Henry James (1843-1916) montre le monde en train de se transformer. Publié en 1899, le livre nous plonge dans l’aristocratie britannique. La mère de Nanda cherche à la placer dans la bonne société en lui trouvant un mari, mais craint que sa fille ne lui fasse de l’ombre dans son salon. Construit tout en dialogues, le roman montre le regard lucide que pose la jeune fille sur ses contemporains, ses désirs d’indépendance et son cheminement vers l’âge adulte. L’auteur de Portrait de femme décrit avec subtilité les mille sentiments contradictoires qui animent les êtres et analyse aussi l’hypocrisie et la perfidie de la haute société londonienne et les changements de la fin du XIXe siècle. Sylvie Tanette
Ligne de fracture de Jesmyn Ward
traduit de l’anglais (E.-U.) par Jean-Luc Piningre, 336 p., 8,10 €
Dans le premier roman de l’auteure du Chant des revenants, toutes les thématiques qui la travaille sont déjà présentes. Ligne de fracture met en scène deux frères jumeaux noirs de 18 ans, dans le sud profond des Etats-Unis. Ils traînent une histoire familiale douloureuse et semblent ne pas avoir d’avenir. Jesmyn Ward, née dans le Mississippi, s’attache depuis toujours à dépeindre la vie saccagée de jeunes ruraux noirs ou métis. Et sa phrase poétique nous plonge dans l’ambiance particulière de sa région natale. Avec une auteure comme Brit Bennett, elle est aujourd’hui une des nouvelles voix importantes à s’être saisie de la question noire et la seule femme à avoir remporté deux fois le National Book Award. Sylvie Tanette
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