Plus gros, plus périlleux… plus paresseux : carton planétaire oblige, “La Casa de papel” accouche d’une troisième saison dispensable qui opte pour la surenchère mais n’a plus grand-chose à dire.
Que reste-t-il à raconter quand il n’y a plus rien à raconter ? C’est la question tautologique que posent bon nombre de séries qui, victimes de leur succès, ont tendance à tirer à la ligne. C’est particulièrement vrai pour La Casa de papel, dont l’arrivée imminente de la saison 3 sur Netflix interroge le fonctionnement du géant du streaming, et la pertinence artistique d’exploiter un filon devenu juteux.
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Diffusée entre mai et novembre 2017 sur la chaîne espagnole Antena 3, où elle a connu un beau succès, la série d’Alex Pina devient un véritable phénomène en décembre de la même année, lors de son acquisition par Netflix et sa diffusion dans le monde entier.
Sauf que voilà, les deux saisons proposées par la plateforme de streaming, dont les épisodes ont été redécoupés pour correspondre aux formats internationaux, avaient a priori bouclé l’intrigue et offert une conclusion en bonne et due forme à ses personnages : un groupe de braqueurs aux grands cœurs parvenu, avec pertes et fracas, à investir la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre de Madrid pour y imprimer 2,4 milliards d’euros, enjeu terminal de la série.
https://youtu.be/rUaXkNxbHQ8
Logique de surenchère
Que raconter quand on semble avoir tout dit ? Aux cartons planétaires, rien d’impossible. Les deux premiers épisodes que nous avons pu voir en détaillent le menu, et, comme on pouvait s’y attendre, c’est une logique de surenchère qui a, semble-t-il, présidé à la fabrication forcenée de cette troisième partie, aux allures d’excroissance ronflante.
A la fin de la saison 2, El Professor, Tokyo, Nairobi, Rio et les autres braqueurs au sobriquet de grandes villes partaient chacun de leur côté avec une part du butin. On les retrouve au début de cette troisième saison se dorant la pilule aux quatre coins du globe, profitant comme il se doit de leur pactole durement volé. Mais voilà, Rio ne respecte pas les consignes strictes du Professeur et se fait capturer par Interpol, qui a fait du groupe de braqueurs l’ennemi public numéro un.
Harder, bigger, faster
L’occasion pour ses anciens partners in crime de se rassembler, et décider ensemble de la démarche à suivre. Tenter une mission suicide pour libérer Rio ? Trop facile. Et pourquoi pas un braquage ? S’il défie la logique, le plan du Professeur – tenter un casse plus périlleux encore pour envoyer un message aux autorités qui détiennent Rio – suit le cahier des charges à peine déguisé de cette troisième partie : rejouer à une échelle plus grande (et avec plus de moyens) le high concept des deux premières.
Après le braquage, censément impossible, de la Monnaie de Madrid, les hommes du Professeur fomenteront le casse, résolument impossible, de la Réserve d’or nationale d’Espagne. Harder, bigger, faster, stronger… Mais pas vraiment better.
Procédé convenu
A trop vouloir en faire, la série perd ce qui faisait son sel. Sans être une réussite éclatante, et en dépit de quelques lourdeurs, les deux premières saisons s’inscrivaient avec habileté dans le sous-genre extrêmement précis du film de casse parfait, et en rejouaient les codes à une échelle gigantesque. Pousser encore cette logique inflationniste finit par affadir le procédé, et le rendre terriblement convenu.
Idem pour le fond de revanche sociale que tisse La Casa de papel, séduisant dans les premières parties, qui devient ici purement cosmétique. Si le dépouillement d’un lieu symbolique du pouvoir financier par des braqueurs prolétaires, dans une Espagne lessivée par des cures d’austérités à répétition, a certainement participé au succès populaire de la série, et à son capital sympathie, son prolongement un brin volontariste dans la saison 3 paraît bien artificiel.
Porte-voix d’une révolte sociale
Comme les acteurs qui les campent, dans la série les braqueurs aux masques de Dalí sont devenus des stars mondiales et les porte-voix d’un peuple opprimé, en quête de révolte sociale. De cette starification, la série ne fait pas grand-chose, sinon remixer paresseusement l’esthétique des Anonymous, dont les personnages de La Casa de papel sont une sorte de métastase fictionnelle.
Symptomatique des séries qui ne savent pas s’arrêter, cette troisième saison (qui ne sera pas la dernière) de la série d’Alex Pina n’a plus grand-chose à dire, mais le dit quand même. On aurait préféré lui dire Ciao, O bella ciao, ciao, ciao…
La Casa de papel d’Alex Pina, avec Ursula Corberó, Alvaro Morte, Itziar Ituño. Saison 3 sur Netflix le 19 juillet
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