Après un jeudi fracassant, retour sur les belles performances qui ont marqué ce long week-end. Parmi Damso, The Black Angels, Kevin Morby, Ron Gallo ou encore Moha La Squale, la force de Suprême NTM, l’hédonisme de Hamza, le lyrisme de Feu! Chatterton et le groove de Curtis Harding ont marqué les esprits.
Suprême NTM est encore là
“On est encore là” répètent inlassablement Kool Shen et JoeyStarr, comme un véritable mantra pour rappeler que malgré les années, rien n’a changé chez NTM : les concerts sont toujours des fournaises aux revendications libertaires menées d’une main de maître par deux bêtes de scène qui crachent le feu. Après une introduction vrombissante et fracassante le Suprême NTM débarque en trombe pour interpréter ses singles musclés, connus de tout amateur de rap. C’est clair, Pass pass le oinj’, Pose ton gun ainsi que Chacun sa mafia composent la première salve d’électrochocs pour une marée humaine déjà conquise et intergénérationnelle.Derrière les deux frères d’armes, épaulés par DJ Pone et DJ S, un écran géant forme l’acronyme ”NTM” et affiche les paroles sur fond d’animations colorées. Kool Shen met ensuite à l’honneur la longévité inattendue de la culture hip hop en préambule du narratif Tout n’est pas si facile.
Les remix taillés pour le live, qui insufflent des dynamiques ragga, techno ou dubstep, offrent une tout autre dynamique aux morceaux, notamment le caribéen Aiguisé comme une lame, où JoeyStarr s’éprend de râles rauques et autres cris stridents. Avec la même intensité, les hymnes Paris sous les bombes, C’est de la bombe bébé et Saint-Denis Style se suivent et annoncent le triste et intemporel Laisse pas traîner ton fils. La folie repart de plus belle lorsque POPOPOP fait lever toutes les mains et précède la reprise du mix de DJ Cut Killer pour le film “La Haine”. La suite est inespérée : un set électrique signé DJ Pone et DJ S, les apparitions de Busta Flex et Jeff Le Nerf, pour un morceau trap qui restera énigmatique, la venue de Nathy pour Dans le secteur et le fiévreux Ma Benz avec Lord Kossity.
Le rappel parachève une communion totale de plus de 90 minutes renversantes et l’universel That’s My People clôture en pleine hystérie cet énième moment d’histoire écrit par JoeyStarr et Kool Shen.
Hamza, le SauceGod
Tandis que le quatuor français Phœnix lance les grandes manœuvres d’un show magistral qui exhibe sa pop élégante et lumineuse, des milliers de festivaliers s’entassent devant la scène Illuminations afin de se retrouver exaltés par la sensualité de l’un des plus beaux talents de la scène rap belge, Hamza. Lorsque les lumières s’éteignent et que les premières notes de l’onirique Godzilla retentissent, la clameur venue du public s’élève soudainement pour accueillir l’arrivée du H, qui enchaîne les singles de sa dernière mixtape 1994, certifiée disque d’or. Les poignants Pas de remords et 1994 mais aussi les festifs Mi Gyal et Juste une minute galvanisent les nombreux fans, même si ces derniers peinent à reprendre les paroles. Le rappeur-chanteur ravive les braises de 2015 à l’aide du suave Mi Amor, issu de son deuxième projet H-24, avant de revenir en 2018 avec les étincelants Destiny’s Child, Mucho Love et Vibes. La conclusion est hégémonique quand le classique La Sauce, le revanchard Life et le fulgurant Jodeci Mob, repris cette fois par toute la foule, clôture un live maîtrisé de bout en bout.
Feu! Chatterton sous la pluie
Invité de dernière minute, suite à l’annulation de Stephan Eicher, le quintette parisien se présentait sur la scène Zanzibar pour incarner un rock léché et enlevé qui se poétise sous la narration délicate et déstructurée du chanteur Arthur Theboul. Le leader du groupe scénarise une prestation qui entrelace diverses influences très riches : Alain Bashung, Serge Gainsbourg, Jacques Brel mais aussi Radiohead, Television ou Led Zeppelin. Les morceaux L’oiseau, Souvenir, L’ivresse, Ginger, Fou à lier ou encore La Malinche sont liés par cette affabulation presque naturaliste et l’énergie électrique d’Arthur, qui ne cesse d’interpeller le Cabaret Vert. La foule clairsemée se meut ainsi au rythme d’un groove noyé dans une voltige instrumentale qui joue entre envolées et silences. Plus que quelques titres et les nuages menaçants déversent une pluie fine qui théâtralise la fin d’une performance harmonieuse et entraînante. Merci Feu! Chatterton.
Curtis Harding, flamboyant en pleine nuit
Vingt minutes après la poésie de Feu! Chatterton, Curtis Harding revigore l’incandescence des partitions ensoleillées de la Motown des années 70 en délivrant une soul soyeuse combinée à une funk dansante. Puis, Curtis se présente, présente ses musiciens, et entame une discussion avec les festivaliers, qui se révèlera infructueuse puisque ces derniers ne semblent pas comprendre le chanteur : Curtis loue l’effervescence du festival ardennais et interpelle les intéressés du soir en finissant par un “Êtes-vous prêt ?” qui reste sans réponse. Tenté par les effluves de cannabis qui émanent de la foule, l’artiste américain réitère en demandant un peu de weed locale, mais rien n’y fait.
Amusé par cette situation plutôt cocasse, il se tourne vers ses musiciens, qui partagent sa solitude momentanée, et poursuit un concert aux chansons riches et lumineuses qui sollicitent tantôt la frénésie du rock, tantôt la langueur de la country. À la baguette d’une musicalité épaisse et luxuriante, venue de l’autre côté de l’Atlantique, qui requiert guitare, basse, batterie, clavier et saxophone, Curtis joue à un rythme soutenu pendant plus d’une heure et accélère les quelques Wednesday Morning Atonement, On and On et Need Your Love pour une fin en apothéose.