Peter Parker, en voyage scolaire embarqué dans une mission pleine de faux-semblants. Jon Watts maîtrise toujours le geste comique, mais peine à faire preuve d’originalité quant aux scènes d’action.
“La notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde”, écrivait George Orwell, dans ses Réflexions sur la guerre d’Espagne, écrites au début des années 1940. L’auteur de 1984 a beaucoup prophétisé, mais il serait sans doute resté bouche bée si on lui avait expliqué qu’il serait un jour cité par une adolescente complotiste (MJ, remarquablement interprétée par Zendaya) dans un blockbuster produit par une multinationale du divertissement.
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Plus surprenante encore aurait été la révélation que cette récupération ne manque pas de pertinence, dans un film confrontant son héros à un danger encore plus grand que des aliens venus détruire la Terre (bâillement) : le faux.
Une suite réussie de “Spider-Man: Homecoming”
Suite du très réussi Spider-Man: Homecoming, qui relançait miraculeusement la franchise il y a deux ans, situé directement après les événements d’Avengers : Endgame, Far from Home suit le jeune Peter Parker dans un voyage scolaire en Europe, où il espère retrouver un peu de normalité, vivre enfin comme n’importe quel ado de 16 ans.
De fait, comme dans le précédent opus, tout ce qui procède de la teen comedy est réussi, même si ne sont jamais dépassés les clichés touristiques sur Venise, Prague, Berlin, les Pays-Bas et Londres – à un point, ceci dit, où ils deviennent source de rire, voire de réflexion sur le genre même de “l’euro trip”.
Décidément à l’aise dans l’exercice comique, Jon Watts est en revanche beaucoup plus gourd dès qu’il s’agit de mettre en scène de l’action. Plus encore que dans Homecoming, du fait de la lassitude extrême (et croissante) que provoquent ces orgies numériques où l’on sacrifie tantôt un Rialto, tantôt un Tower Bridge.
On est même embarrassés, après le « jeu final » contre Thanos, d’assister encore, pour la millième fois, à des combats entre d’hideuses créatures de feu ou de flotte et un nouveau superhéros encapé, cracheur de vomi fluo surnommé Mysterio et interprété sans la moindre conviction par Jake Gyllenhaal…
De George Orwell à Orson Welles
Du moins, c’est ce que l’on pense dans un premier temps (ladies and gentlemen, à partir d’ici, l’absence de spoilers n’est plus garantie) : « Les gens ont besoin de croire, et ils sont prêts à croire n’importe quoi », confie Mysterio, dans un accès de lucidité qui résume parfaitement les enjeux de ce film. En effet, à sa mi-temps, une révélation vient complètement en retourner le sens : Mysterio s’avère être un imposteur prestidigitateur, qui a inventé une technologie mettant en scène de gigantesques illusions holographiques. A ce moment-là, on comprend que tout ce qu’on vient de voir était une mascarade.
Que cet aveu se fasse à Prague n’est pas un hasard : c’était le décor du premier Mission : Impossible, celui de De Palma, maître s’il en est du spectacle et de sa dénonciation – la présence d’un bijou en forme de dahlia noir n’étant pas non plus innocente.
https://www.youtube.com/watch?v=twlA_yzagXo
Orson Welles est également cité dans la plus belle scène du film (une galerie de miroirs brisés à la Dame de Shanghai). A l’évidence, Jon Watts n’est ni l’un ni l’autre, mais sa cinéphilie vient renforcer la cohérence de son propos sur l’invasion inéluctable de la paranoïa et des (F for) fake news. Mais d’ailleurs, on y pense, le vrai prénom d’Orson Welles n’était-il pas George ? George Or(son)well(es) ? Coïncidence ? I think not.
Spider-Man : Far from Home de Jon Watts, avec Tom Holland, Zendaya, Jake Gyllenhaal, Samuel L. Jackson (E.-U., 2019, 2h10)
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