Ni ses passions amoureuses compliquées, ni la société autrichienne ne sont épargnées par l’Autrichienne Ulli Lust dans son récit autobiographique. Cru et réaliste.
Il y a sept ans paraissait Trop n’est pas assez, un premier album autobiographique décapant dans lequel l’Autrichienne Ulli Lust racontait ses jeunes années punk et destroy. Dans Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien, on retrouve Ulli six ans plus tard, au début des années 1990. S’efforçant de trouver sa place dans la société, elle vit de petits jobs, laissant la garde de son enfant à ses parents. Son compagnon, Georg, un acteur de 18 ans son aîné, se révèle incapable de la satisfaire sexuellement.
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Tiraillée entre sa conscience et sa volonté de liberté
Sa libido en ébullition, Ulli rencontre alors Kimata, un jeune Nigérian qui séjourne illégalement en Autriche, avec qui elle vit une passion sexuelle effrénée. Ulli refuse néanmoins de renoncer à Georg. Se met en place un ménage à trois, qui se passe d’abord très bien. Mais la relation avec Kimata est si intense que les scènes de jalousie font bientôt place à des violences de la part du jeune homme. Ulli est alors tiraillée entre son obsession pour lui, sa peur, sa conscience (doit-elle le dénoncer ou pas, alors qu’il est sans papiers ?), et sa volonté de liberté.
Ce récit sans concession devient de plus en plus tendu et troublant à mesure que la passion se mue en brutalité. Ulli Lust n’hésite pas à montrer ses faiblesses comme celles des autres. Dans cette histoire, personne n’a le beau rôle. Kimata est possessif, macho et agressif ; Ulli est dépendante au sexe et indifférente à son enfant ; et même le gentil Georg en prend pour son grade à cause de son petit pénis.
Un trait réaliste et sans chichis
D’une franchise radicale et parfois déconcertante, Ulli Lust ignore le politiquement correct (elle représente le Kimata violent en Noir grimaçant), l’autocensure. En septembre, lors d’une rencontre au Festival international de littérature de Berlin, elle avouait toutefois s’être demandé si, au regard de la vague nationaliste en Autriche, il était raisonnable de représenter de cette façon un migrant qui commet une erreur, avant de finalement choisir de raconter les faits sans les adoucir.
Par ailleurs, Ulli Lust aborde avec la même honnêteté l’indifférence de la police face aux violences faites aux femmes, la politique d’asile de l’Autriche, le racisme quotidien. La crudité du propos est renforcée par celle du dessin, comme lors des nombreuses scènes de sexe, représentées de façon explicite pour souligner l’entente absolue de son corps avec celui de Kimata. Son trait réaliste et sans chichis s’est assoupli depuis Trop n’est pas assez. De très belles et fréquentes pleines pages, souvent descriptives, paisibles et bucoliques, parfois fougueusement érotiques, parsèment le récit. Des respirations bienvenues au milieu de cette intense mise à nu.
Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien (Çà et Là), traduit de l’allemand par Paul Derouet, 368 p., 26 €
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