Quinze jours avant la sortie de leur cinquième album studio, « Let’s Go Sunshine », rencontre avec Luke Pritchard, leader du groupe qui a bercé l’adolescence de la génération 90 : The Kooks.
Vendredi 10 août, 18 heures, la chaleur est accablante au-dessus de la capitale hongroise. Face à la scène principale du Sziget, les cris fusent. Sur scène, les cinq membres des Kooks arrivent. Après leur tournée en première partie des Rolling Stones – rien que ça – les Britanniques venaient présenter leur futur album – Let’s Go Sunshine – prévu pour le 31 août. On en a profité pour parler nostalgie des années 2000, pop culture, drogues et rap. Spoiler : Bruno Mars serait la meilleure chose qui soit arrivée aux années 2000 selon Luke.
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Pour beaucoup de jeunes de vingt-cinq ans, vous êtes un groupe phare de leur adolescence. Ca fait quoi d’être une idole ?
Luke Pritchard – Pour être honnête, je ne suis pas vraiment intéressé par la célébrité. J’aime me dire que mes chansons sont plus connues que moi. Quand nous avons commencé, nous faisions partie d’une grande colo de groupes de rock. Cela reste cool que les gens pensent aux Kooks de cette manière. Mais je ne me suis jamais dit « oh je suis une icône ».
Est-ce que ce public d’ados vous a suivi ou est-ce qu’il s’est renouvelé ?
A vrai dire, le public est assez mélangé. Mais nous avons des fans de plus en plus jeunes aux concerts. Nous avons été surpris durant notre dernière tournée, c’était notre plus grande tournée en Grande-Bretagne et au premier rang il y avait énormément d’adolescents. J’étais genre : « mais wtf, comment ils sont arrivés là ». C’est sans doute parce que notre musique continue de circuler, de se renouveler, et que certains nouveaux groupes nous prennent comme inspiration. Ce qui est très cool ! Je pense que c’est bon signe quand on regarde aujourd’hui les centaines d’ados qui portent encore des tee-shirts Rolling Stones.
Vous pensez à des groupes en particulier, qui vous prennent comme inspiration ?
Il n’y en a pas mille non plus hein (rires). Mais je dirai Catfish and the Bottlemen, Tom Grennan. Ça me fait plaisir que cette nouvelle génération utilise nos morceaux comme inspiration. Et puis au-delà de ces groupes, on est un groupe assez marrant car on adore la pop-musique, donc je pense que ma manière d’écrire les morceaux est influencée par One Direction et Ed Sheeran. Or, la pop parle énormément aux jeunes. Les chansons des Kooks ont une vraie synergie.
A vos débuts vous étiez très inspirés par la britpop, est-ce que vous vous sentez davantage influencés par la musique américaine aujourd’hui ?
C’est drôle comme question, car si vous demandez à n’importe quel groupe de ma génération leur influence principale, ce sera les Strokes, donc un groupe américain. Mais je suppose qu’au-delà d’une division par pays, mon inspiration principale reste la musique des années soixante, avec des groupes anglais comme américains. Quand j’étais ado, tous mes amis écoutaient du rock garage et de la dance music. Moi c’était Bob Dylan, les Kinks et Eddie Cochran. Dans un certain sens, je suis plus british qu’américain sur le dernier album. Avec de l’humour anglais, quelque chose que je ne faisais pas dans les premiers albums. Et regardez mes mauvaises dents (rires).
Vous avez commencé le groupe en 2004. Vous êtes nostalgique de cette époque ?
Oui, je pense. C’était un moment très excitant musicalement parlant, il y avait une véritable émulation. Nous avons été chanceux d’arriver à ce moment-là. Surtout, il y avait énormément de groupes indépendants. Je ne sais pas comment c’est en France, mais en Grande-Bretagne on avait des bars qui jouaient de la musique à chaque coin de rue, et aujourd’hui ils ferment tous progressivement. Je dis peut-être ça parce que je suis vieux et que je ne suis plus invité aux soirées (rires). Il y avait Amy Winehouse, tout ce mouvement jazz, Soho… Les gens travaillaient plus pour la musique que pour l’argent. Pour être honnête, il y avait bien trop de drogues…
Aujourd’hui vous pensez que nous sommes dans une époque moins « rock’n’roll » ?
Clairement. Je pense que c’est une bonne chose dans le sens où les jeunes musiciens ne s’éclatent plus la gueule avant d’aller sur scène. Mais de l’autre côté, je pense que la nouvelle génération rate quelque chose, en étant trop conformiste. Avant, j’ai l’impression que les groupes se battaient davantage pour leur indépendance. Même nous, nous avons joué dans dix milles putain de pubs avant d’être connus, on a testé tous les trous à rats de Grande-Bretagne pour nous en sortir. On le faisait par amour de la musique, par passion. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que beaucoup d’artistes vont en studio, écoutent la dernière chanson de Justin Bieber et refont la même chose. Quand je vois les DJ qui sont désormais tous producteurs, cela modifie la manière de faire des lives. Si on regarde juste la programmation du Sziget, combien d’artistes jouent sans ordinateurs actuellement ? C’est triste ! Oui nous avons pris des drogues, oui nous étions complètement fous, mais au moins on jouait vraiment !
Quel est le plus grand changement qui a traversé le groupe ?
La confiance en nous je pense. Nous étions très jeunes quand nous avons commencé. Sans paraître prétentieux, nous avons toujours eu relativement confiance en nous (rires). Nous avons toujours la même mentalité, toujours le même ethos. Mais nous avons perdu une partie de notre anxiété, nous sommes moins maniaques. C’est agréable d’être plus à l’aise avec soi-même. Et nous sommes meilleurs sur scène.
Quelle est la meilleure chose qui soit arrivée dans les années 2000 ?
Bruno Mars !
Et la pire ?
Le Brexit (rires).
Vous avez enregistré votre dernier album au Musée de la mort non ? Plutôt étrange !
Oui, à LA ! Enfin pas au sein même du musée (rires), mais la porte à côté. C’était assez étrange à vrai dire. Beaucoup de couples vont visiter le musée de la mort, je ne sais pas si c’est inquiétant ou pas. Les Etats-Unis sont de manière générale un endroit étrange. Les Américains adorent les serial-killer. L’endroit où l’on bossait était l’ancien studio de Ray Charles. Le genre de studio où rien ne marche mais où c’est super au final (rires). C’était assez magique. Nous sommes juste restés deux semaines car nous avions d’abord écrit tous les morceaux, puis nous avons fait deux semaines à Londres et deux semaines à Los Angeles. Le temps d’écriture a été le plus long. Nos premiers albums étaient assez impulsifs, nous allions en studio bosser avec le producteur, nous écrivions les paroles en même temps. Celui-ci était plus réfléchi. Et j’ai choisi de revenir à la guitare et d’abandonner le pad.
Dans une interview pour NME, vous avez déclaré que cet album à venir était le plus excitant. Pourquoi lui ?
Excitant je ne sais pas, mais je pense que c’est le plus accompli. Les chansons ont un vrai message derrière. Je suis fier de cet album, mais on va devoir se battre pour qu’il rencontre le succès qu’il mérite. Notamment avec les radios, c’est de plus en plus dur. Mais il y a Spotify et les réseaux sociaux. Il y a des chansons teintées d’humour anglais, comme je le disais auparavant, mais aussi des sujets plus profonds. Il y a un côté assez narratif. Ce n’est pas un album concept mais il y a une histoire.
Vous parlez de Spotify, vous pensez que ces plateformes sont primordiales aujourd’hui ?
Une chose est sûre, cela permet de démocratiser la musique, ça rend les choses plus justes. Les médias traditionnels restent primordiaux. Je pense en réalité que ce sont deux choses distinctes. Mais c’est assez excitant de découvrir des sons grâce à ces plateformes et grâce aux algorithmes. On découvre des artistes qu’on n’aurait pas forcément écoutés au départ. Avant ces plateformes il y avait beaucoup plus de « gate-keepers », certains avaient le pouvoir de dire « cette album va être important » ou « cet artiste va être important ». C’était assez arbitraire. Donc c’est assez rafraîchissant dans ce monde qui est assez compétitif.
Les années 2010 sont celles de l’hégémonie du hip hop, vous aviez perçu ce tournant ?
Les modes vont et viennent, mais je pense qu’une bonne chanson est une bonne chanson, peu importe le genre ou l’époque. La mode du rap a moins touché la Grande-Bretagne que la France, qui est vraiment devenue un centre névralgique. Mais c’est une bonne chose que des artistes rap viennent désormais dans les festivals, même les festivals qui étaient au départ centrés sur le rock.
Comment est-ce que vous imaginez les années 2050 ?
Sur la Lune (rires). Plus sérieusement, je pense qu’il y aura toujours des disques. Même si nous sommes à une époque où les gens sont de plus en plus distraits pour écouter de la musique, donc nous allons sûrement entrer dans une ère du visuel. Les gens pourront expérimenter la musique au-delà des lives.
Un article de Forbes est titré « le groupe le plus connu que vous ne connaissez pas ». Vous pensez quoi de cette appellation ?
Je pense qu’aux Etats-Unis c’est assez vrai (rires). Nous sommes plus connus pour nos chansons que pour nous même. Si vous passez Naïve tout le monde connaîtra, mais si vous demandez mon nom je ne suis pas sûr que les gens sachent. Nous ne sommes pas hyper-médiatisés par la presse, nous ne passons pas tout le temps à la radio, mais nous avons une forte base musicale. Tout le monde suit un chemin différent dans le paysage musical, et je pense que personne ne s’attendait à ce que nous restions si longtemps, ce qui est assez excitant. Mais vous savez, ça deviendra vraiment fou quand Les Inrocks nous auront mis en Une (rires).
Propos recueillis par Manon Michel
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