Chaque jeudi, Les Inrocks vous proposent de découvrir un groupe ou un artiste que vous ne connaissez pas (encore). Cette semaine, Los Retros. Pseudonyme derrière lequel se cache Mauri Tapia, jeune latino-américain signé chez Stones Throw et visiblement passionné de pop-songs lo-fi.
L’histoire de Mauri Tapia aurait pu être celle, malheureuse, de milliers d’autres latinos élevés dans les rues des ghettos californiens, loin des bars à hipsters d’Echo Park et des surfers de Venice Beach. Heureusement pour lui, le jeune homme, 19 ans, n’a jamais été attiré par les sorties ou les réunions de groupe organisées à chaque corner. Il l’avoue d’ailleurs d’emblée, il a peu d’amis et passe le plus clair dans son temps dans le living-room de sa mère à composer de la musique, sans se soucier réellement de l’extérieur et de la triste réalité d’une enfance passée à Oxnard.
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“Bien sûr que j’aurais préféré ne pas grandir dans un ghetto, ironise-t-il, dans un sourire timide, mais j’ai au moins la chance de vivre entre la montagne et la mer, et d’avoir un producteur comme Madlib pour représenter la ville. Ça inspire”. Suffisamment en tout cas pour que Mauri ait sa première guitare à 11 ans, sa table de mixage cinq ans plus tard. C’était un besoin, une nécessité : “À l’époque, j’étais passionné par des groupes comme Ohio Players, des formations que ma famille écoutait, et j’étais véritablement obsédé par la batterie, les claviers et la basse. Ça m’a donné envie d’apprendre à savoir en jouer à mon tour, à ne pas me cantonner derrière des machines. Comme tous ces groupes, il fallait que je sache me débrouiller avec un instrument.”
En mode DIY
Dans la foulée, Mauri confesse qu’il aimerait bien inciter à son tour de jeunes adolescents à se tourner vers de vrais instruments plutôt que de “choisir la facilité avec des logiciels qui peuvent tout faire à notre place”. En attendant d’avoir une telle influence, peut-être déjà perceptible depuis la sortie du très beau Someone To Spend Time With en début d’année, Mauri compose, chaque jour, avec la frénésie de ceux qui n’ont d’autre choix pour espérer s’en sortir. Il le dit, il le répète, il n’a “jamais vu quelqu’un être heureux d’aller au travail”. Alors, il sait la chance qu’il a actuellement de pouvoir vivre de sa musique, d’être signé chez Stones Throw, de tourner avec des gars comme Cuco, avec qui il a semble-t-il enregistré quelques morceaux, et de composer de nouveaux sons en permanence. Toujours depuis le living-room de sa mère.
“Au début, c’était plus par contrainte. Notre maison est trop petite pour avoir un coin où répéter tranquillement, alors j’ai décidé de dormir dans le salon avec mon matos à mes côtés. Ce n’est pas l’idéal pour se concentrer, mais ce brouhaha a quelque chose d’inspirant, finalement”. À écouter Mauri parler, on le sent de toute façon très proche de sa famille, de ses racines. Il en a fait une fierté, un bouclier pour avancer dans la vie. Au point d’avoir choisi un pseudonyme censé le reconnecter avec son histoire personnelle : “À la base, je voulais m’appeler Retrospect, mais le nom était déjà pris. J’ai donc choisi de nommer mon premier EP ainsi et de me surnommer Los Retros, en hommage à un groupe de pop chilienne, Los Ángeles Negros. Je trouvais le pseudo cool, ça me permettait de conserver le côté rétro du premier patronyme, et puis ça faisait sens avec mes racines, avec tous ces groupes que mes parents écoutaient, malheureusement oubliés aujourd’hui.”
Cœurs sensibles
À travers les six morceaux réunis sur son premier EP, Los Retros ne masque donc pas ses ambitions : il s’agit pour lui de composer des pop-songs, ce grand mot intimidant qui colle pourtant parfaitement à ses mélodies lo-fi, presque dépourvues d’orchestrations. On parlerait même de minimalisme à l’écoute de Friends ou Oh Grace si ces pièces, qui ont la douceur d’une caresse ou d’un premier baiser, n’étaient pas aussi généreuses en suggestions.
Car, si Love Tape semble être le genre de morceau qui donne envie de remonter le temps, de débarquer dans les années 1960 et d’entamer un slow avec la plus belle fille de l’école lors du bal de promo, Nostalgic Vibrations et Never Have Enough convoquent d’autres références. Certains, selon leur goût et leur âge, rapprocheront ces titres de Mac DeMarco ou de vieilles formations soft-rock. De telles comparaisons, quelque part, sont inévitables, sauf que ces six morceaux arpentent ces chemins balisés avec suavité, hédonisme et sensualité, en une indie-pop taillée pour les cœurs sensibles. Ce n’est ni du déjà-vu, ni une façon un peu opportuniste de dépoussiérer de vieux groupes du passé. À entendre Los Retros, c’est surtout un moyen de déclarer sa flamme à sa fiancée, rencontrée quelques semaines après la mise en ligne de Someone To Spend Time With et à qui il consacre désormais plus de la moitié de ses chansons. “Là, j’ai au moins deux albums de prêts”. On sera là pour les écouter.
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