Pour débuter son mandat au Théâtre du Peuple, Simon Delétang choisit l’audace et propose des relectures de Büchner et Molière. Sans oublier le contemporain avec “l’incontournable” Wajdi Mouawad.
N’hésitant pas à payer de sa personne, c’est avec une performance aussi physique qu’artistique que Simon Delétang, le nouveau directeur du Théâtre du Peuple, a imaginé l’acte fondateur de son début de mandat à Bussang dans les Vosges.
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Inspiré par le texte de Georg Büchner relatant la traversée des montagnes vosgiennes réalisée par Jakob Lenz pour rejoindre le village de Waldersbach à la fin du XVIIIe siècle, Simon Delétang choisit de mettre ses pas dans ceux du poète pour une randonnée de cinq jours. Chaque étape du soir est une opportunité pour présenter aux villageois qui l’hébergent un monologue tiré de cette pépite de la littérature.
“Bussang est un lieu unique qui m’a toujours interpellé”
“Le récit du périple de Lenz était idéal car il évoque magnifiquement les paysages que j’allais traverser à pied. Avec ce pèlerinage, je voulais commencer par me faire connaître de gens qui n’ont pas la possibilité d’aller au théâtre. C’est en avril dernier que je me suis lancé dans l’aventure au rythme d’une quinzaine de kilomètres chaque jour. J’aime la montagne, mais avec la neige et les arbres tombés en travers des sentiers, cette randonnée n’a pas toujours été une partie de plaisir. Reste le bonheur d’être accueilli au bout du chemin quand je jouais chez l’habitant, dans les églises ou les salles des fêtes.”
Cette première saison coïncide avec l’anniversaire des 40 ans de Simon Delétang. “Bussang est un lieu unique qui m’a toujours interpellé et que j’ai découvert alors que j’étais enfant. C’est une utopie théâtrale vieille de plus de cent vingt ans où l’on revendique de s’adresser au plus grand nombre en se réclamant d’une exigence artistique jamais démentie. Mon projet pour le Théâtre du Peuple va se construire autour d’un répertoire réunissant les classiques et incontournables des auteurs contemporains. A ce titre, ouvrir mon mandat en présentant Littoral, une pièce où Wajdi Mouawad traite du drame de la mort d’un père avec beaucoup de sensibilité et d’humour, m’a semblé exemplaire.”
Professeur et responsable du club-théâtre, c’est le père de Simon Delétang qui a initié son fils à la scène. La tradition à Bussang étant de réunir des comédiens professionnels et amateurs, elle devient une aubaine pour que père et fils jouent ensemble dans Littoral. L’un et l’autre interprètent le père du héros à différents âges de sa vie.
Une vision brillante d’une œuvre à l’humanité chavirante
Puisqu’il s’agit de l’âme d’un père qui accompagne les tribulations de son fils décidé à lui trouver une sépulture où il pourra trouver le repos éternel, on ne s’étonne pas de la présence du plus célèbre des ressuscités via un agrandissement du fameux Christ mort couché sur son linceul de Philippe de Champaigne (1602-1674), qui sert de toile de fond à l’action et cadre cette vision brillante d’une œuvre à l’humanité chavirante.
Se souvenant qu’avant même la construction du Théâtre de Bussang, Maurice Pottecher, l’inventeur du lieu, avait traduit Molière en patois vosgien pour qu’il soit joué sur un pré du village, Simon Delétang a invité le metteur en scène Gwenaël Morin à présenter sa relecture des quatre pièces de Molière mises en scène par Antoine Vitez voici quarante ans au Festival d’Avignon.
Les femmes peuvent jouer des hommes et inversement
Spectacle fleuve pouvant se voir en quatre soirées ou en intégrale, ce marathon dédié à Molière réunit L’Ecole des femmes, Le Tartuffe, Dom Juan et Le Misanthrope. Avec une distribution de hasard où les femmes peuvent jouer des hommes et inversement, les acteurs de Gwenaël Morin ne se contentent pas de brouiller les pistes du genre. Chacun débitant son texte comme une mitraillette, leur hystérique déroulé de Molière s’avère un grand moment de comédie populaire qui comble le public.
Au final, on découvre Lenz, le solo conçu par Simon Delétang pour sa randonnée en montagne. Un moment sensible où l’acteur-metteur en scène se confronte à la conscience vacillante du poète, dans le décor minimal d’une forêt de sapins taillée dans des planches. Convaincu de l’importance de son rôle de colporteur de la bonne parole théâtrale dans les villages, Simon Delétang souhaite élargir le périmètre de ses marches aux quatre points cardinaux pour faire de Lenz la carte de visite du Théâtre du Peuple pour les années à venir.
Estivales Jusqu’au 25 août, Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges)
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