La première comédie de Mel Brooks n’épargne rien ni personne.
Une mort chasse l’autre : dans l’hécatombe d’icônes que fut l’année 2016 (Bowie, Leonard Cohen, etc.), celle de Gene Wilder est passée en coup
de vent. Deux ans après, jour pour jour ou presque, voilà l’occasion de rectifier l’adieu : la ressortie de son premier rôle (à une apparition dans Bonnie and Clyde près), qui est également le premier film
de son réalisateur Mel Brooks, Les Producteurs.
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Cette comédie de 1968 narre la rencontre de deux silhouettes familières de la commedia dell’arte new-yorkaise : le nabab déchu, banni des projecteurs, sans le sou mais se pavanant encore en peignoir, et le petit comptable pressé et craintif. Ils montent un coup : produire à Broadway un bide garanti (Springtime for Hitler, un musical pronazi), qui leur permettra de partir avec la caisse. Catastrophe : la pièce est un hit.
Evidemment quelques effets de reflet, en pleine chute des studios. Le hold-up mêlé de canular tenté par deux zouaves contre une caste et une époque finissantes évoque volontiers le destin du film lui-même. Refusé par les grands studios, produit par un petit, amoché par la critique, sabordé par la distribution mainstream et enfin sauvé par le college circuit, Les Producteurs est le parfait exemple du pied de nez à l’ancien monde.
Et aujourd’hui, puisqu’il faut bien tenter de remettre au présent une reprise, son empilement d’outrances – gérontophilie, nazis de cartoon, femmes-objets, ou ne serait-ce que son apologie nonchalante de la fraude et du bien mal acquis – résonne aussi, car la moitié de ses scènes pourraient lui valoir une campagne de boycott en 2018.
Mais pourtant, Les Producteurs est moins un film provocant qu’une satire sur la provocation – la critique d’une société détraquée par un jeu absurde opposant l’outrecuidance habilement maniée mais feinte des uns et l’irritabilité pas moins surfaite des autres. A la fin, tout le monde perd.
Les Producteurs de Mel Brooks (E.-U., 1968, 1 h 30, reprise)
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