La Biennale du 9e art de Cherbourg célèbre le dessinateur américain Jack Kirby qui, au-delà des super-héros Marvel, a marqué l’imaginaire contemporain.
Rarement un simple ticket d’entrée n’aura provoqué un dépaysement aussi immédiat que celui offert par le musée Thomas Henry de Cherbourg. Pour découvrir l’exposition consacrée au dessinateur américain Jack Kirby (1917-1994), il faut en effet traverser la collection permanente constituée, notamment, des tableaux du peintre réaliste du XIXe siècle, Jean-François Millet.
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Le choc spatio-temporel, une fois que l’on gagne l’étage réservé à l’ex-complice de Stan Lee, se révèle d’autant plus savoureux. Après avoir célébré Winsor McCay, le père de Little Nemo, la Biennale du 9e art rend hommage à un artiste dont l’impact reste tangible dans l’histoire de la bande dessinée moderne.
Titrée La Galaxie des super-héros, l’exposition met l’emphase sur le rôle crucial joué par Kirby dans les années 1960 quand il a cocréé quantité de justiciers Marvel devenus supports à blockbusters. Mais, au-delà de cette importance historique, les 135 planches originales rassemblées à Cherbourg rappellent pourquoi son trait énergique et son inventivité ont frappé à vie l’imagination de quantité de créateurs, de Neil Gaiman à Alan Moore. Travaillant dès ses 18 ans sur les cartoons de Popeye au sein des studios des frères Fleischer, Kirby n’a jamais, ensuite, cessé de dessiner.
“Autodidacte, il s’est libéré des rigueurs de l’anatomie”
Dans l’exposition, un crayonné réalisé en 1959 pour une série signée par un autre (Johnny Reb de Frank Giacoia) montre combien cet artisan au rythme de production frénétique plaçait son art et les commandes au-dessus de son ego. A partir du moment où il obtient la reconnaissance du public, Kirby se démultiplie mais sans perdre sa signature : un sens de l’image coup de poing et une outrance dans les proportions. « Autodidacte, il s’est libéré des rigueurs de l’anatomie », explique Louise Hallet, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition. Pointant du doigt une couverture réalisée pour Avengers, elle ajoute : « Ses personnages, avec parfois des cuisses qui semblent être de dix mètres de long, ne devraient pas tenir debout. »
Une partie de la magie de Kirby réside dans cette capacité à créer des mondes et personnages imaginaires tout en parvenant, grâce à des illusions d’optique, à nous faire croire qu’ils pourraient exister. Des planches réalisées pour la série Fantastic Four rappellent un autre de ses tours de force graphique et avant-gardiste. Afin de donner corps à ses étranges univers de science-fiction, le dessinateur n’hésitait pas à piocher dans des magazines pour bâtir à partir de photos d’impressionnants collages. Plus loin, un des espaces de l’exposition est réservé à une de ses créations phares, Le Quatrième Monde.
Alors que trône au milieu de la salle une énorme statue de Darkseid, personnage incarnant le chaos, on y retrouve une histoire complète des Forever People. Cette série, racontant les aventures d’adolescents immortels, a permis au dessinateur de saluer l’esprit contestataire de la jeunesse américaine des années 1970. « Il était perméable à l’esprit West Coast », confirme Louise Hallet. Kirby a été de son temps mais aussi du nôtre.
Jack Kirby. La Galaxie des super-héros Jusqu’au 1er septembre, musée Thomas Henry, Cherbourg-en-Cotentin
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