L’inventivité formelle du film finit par se retourner contre son prisme archéologique.
Prolongeant l’œuvre de Patricio Guzmán, le deuxième long métrage de Niles Atallah s’intéresse aux sombres remous de l’histoire chilienne. Son Bouton de nacre à lui a pour objet la vie d’Antoine de Tounens. Cet avocat provincial et insolite aventurier français débarque en 1858 sur les côtes du Chili dans l’espoir d’unir les tribus indiennes persécutées et de fonder ainsi un Etat capable de résister à l’armée nationale. Proclamé roi du royaume d’Araucanie et de Patagonie en 1860, il fut défait par les troupes chiliennes, capturé et renvoyé en France où il tenta de maintenir une cour en exil.
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Auréolé du Prix spécial du jury au Festival de Rotterdam et du Prix découverte de la critique française au festival Cinélatino de Toulouse, Rey évoque une version de Silence de Martin Scorsese (2017), croisée avec le mysticisme de L’Ornithologue de João Pedro Rodrigues (2016) et placée entre les mains d’un Méliès obsédé par la fabrique de l’Histoire. Objet expérimental et zinzin, le film donne à ces événements méconnus une forme qui multiplie les effets de dégradation de pellicule, les surimpressions archaïques et les images d’archives. La pellicule mutilée se fait alors métaphore de l’écriture subjective de l’histoire. Sauf que son maquillage d’effets finit par s’ériger en écran de fumée entre le spectateur et le récit ubuesque d’Antoine de Tounens.
Ne faisant pas assez confiance à la beauté de ses prises de vues, ni à la cinégénie de ses paysages, le film multiplie les masques et s’éloigne de l’errance poétique de son monarque. L’intéressante et courageuse complexité de sa forme trahit alors son postulat de départ, à savoir doter le cinéma d’une vocation archéologique. Si l’inventivité visuelle de Niles Atallah et l’intérêt de son discours sur l’Histoire ne sont pas à mettre en doute, ils s’épanouissent au détriment de la compréhension de la trajectoire du roi oublié.
Rey, l’histoire du Français qui voulait devenir roi de Patagonie de Niles Atallah (Chil., Fr., 2017, 1 h 31
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