Le leader de la France insoumise a conclu, dimanche 23 juin, la convention du mouvement de gauche radicale. Après l’échec des européennes (6,3 %), il persiste et signe : “la lutte est implacable” et il n’abandonnera pas, même s’il met en avant de jeunes visages.
C’est une petite tape amicale dans le dos qui en dit long. Ce 23 juin, au moment de se lever pour conclure la convention de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon n’a pas pu réprimer ce geste de complicité avec Adrien Quatennens. Le député du Nord, élu à 27 ans en 2017, a été nommé la veille coordinateur du mouvement. Il se substitue ainsi à Manuel Bompard, chef d’orchestre discret de LFI à qui le tribun a rendu un hommage appuyé. La jeune députée Mathilde Panot a pour sa part été nommée vice-présidente du groupe parlementaire. Est-ce à dire qu’une page se tourne au sein du mouvement populiste de gauche, après son score décevant aux européennes (6,3 %) ? C’est ce que son chef de file affirme, mais tout en nuances : “Ce n’est plus moi qui ouvrirai toutes les réunions, ni moi qui les terminerai toutes”.
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“Auto-flagellation tant à la mode dans la vieille gôche”
Il le savait : son discours était très attendu, puisqu’il s’est astreint à une cure de silence médiatique depuis le 26 mai, en dépit des critiques internes de plus en plus insistantes. Il serait donc très écouté. Le député des Bouches-du-Rhône, âgé de 67 ans, n’a pas boudé son plaisir, prenant une heure vingt pour exposer sa vision de l’avenir, au lieu des vingt minutes annoncées. Sur l’estrade, il apparaît revigoré, par rapport au discours affecté qu’il avait prononcé à l’Assemblée nationale, la gorge nouée, en réponse à Edouard Philippe. Ce n’est pas la première fois qu’il doit se remettre d’un effondrement – on se souvient de ses larmes après les européennes de 2014, et de sa prière laïque : “Allez les travailleurs, ressaisissez-vous !”
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Après presque un mois de méditation, entrecoupée d’un post de blog lapidaire et d’une manifestation avec les salariés de General Electric à Belfort, le ressaisissement est en bonne voie. “Une page est en train de se tourner aujourd’hui, vous le voyez à ce fait que je conclue, alors qu’autrefois j’ouvrais : c’est dire qu’il va se passer autre chose après, de différent !”, cabotine-t-il dans la salle de la Chesnaie-du-Roy, dans le bois de Vincennes, à Paris. Des vieilles habitudes n’ont pourtant pas changé. En réponse aux appels impérieux de personnalités de la France insoumise à une nécessaire autocritique, Jean-Luc Mélenchon ne cède rien. “Aucune auto-flagellation de convenance tant à la mode dans la vieille gôche officielle mondaine ne viendra jamais abattre” la France insoumise, promet-il avec acrimonie. Pour lui, loin d’être bienveillantes, les critiques reçues par LFI s’inscrivent dans une “campagne interminable pour nous flétrir, nous humilier, nous insulter, réduire tout ce que nous sommes à quelques petites aventures qui occupent deux ou trois lignes dans un coin de page”.
“La porte va dans les deux sens, parfois je le regrette”
Fait-il référence, par ces “trois lignes”, aux phrases assassines visant Clémentine Autain, et prêtées à une de ses proches, sous couvert d’anonymat, au Canard enchaîné le 5 juin ? La députée de Seine-Saint-Denis, qui tient meeting le 30 juin au Cirque Romanès pour reprendre langue avec les forces politiques qui composent la gauche, était attaquée en ces termes : “Pendant que François Ruffin faisait un superbe film sur les gilets jaunes, pendant que tous les députés, Adrien Quatennens en tête, étaient dans tous les meetings, Autain faisait la promotion de son livre où elle raconte les déboires de sa mère. Grand sujet de campagne, ça”.
La violence (et la petitesse) de cette attaque contre Clémentine Autain dans le Canard enchaîné. Parler des « déboires de sa mère », quand on connaît l’histoire… pic.twitter.com/Tqd1KBH2Xh
— Pauline de Saint Remy (@PauSR) June 5, 2019
L’intéressée a préféré ne pas se rendre à la convention de LFI, dont elle ne semblait pas attendre grand-chose. Au moment où Jean-Luc Mélenchon prenait la parole, elle s’interrogeait sur BFM sur la manière dont Adrien Quatennens a été désigné. Ambiance.
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En réponse, le leader de LFI a plaidé le pragmatisme, rappelant que LFI n’était pas un parti politique classique, et que le mouvement pouvait s’émanciper des règles d’un certain protocole qui rend la politique trop inerte à son goût. Il dit avoir proposé le nom de Quatennens à la coordination, qui l’a accepté : “Adjugé, vendu !”. A ceux qui restent attachés aux “batailles pour les virgules”, Jean-Luc Mélenchon lance : “Ces plaisirs sont disponibles à d’autres endroits, pas ici”. Pour finir sur le chapitre du mouvement en lui-même, le tribun affirme qu’il continue de susciter de nouvelles adhésions, même s’il y a des départs. D’où cette phrase pleine d’ambiguïté : “La porte va dans les deux sens, plutôt du côté de l’entrée que de la sortie, parfois je le regrette”.
En réaction à ces attaques à peine voilées, Manon Le Bretton, coresponsable de l’école de LFI et amie de Charlotte Girard (coordinatrice du programme de LFI, qui a quitté le mouvement, et dont personne n’a prononcé le nom ce week-end), a annoncé dans un message sur Facebook qu’elle quittait le mouvement : “Nous voilà sommés d’aller voir ailleurs. Etonnante façon de conclure les travaux d’une assemblée qui planchait en particulier sur la nécessité d’intégrer la contradiction aux processus de décision”, écrit-elle.
Le Pen, “partie en vacances avec le reste de la dynastie”
Sur le fond, si Jean-Luc Mélenchon reconnaît que LFI a “échoué à fédérer” aux européennes, il estime que cela n’est pas dû à la qualité de l’offre politique, mais à la composition de la société et à la dissolution des “grands blocs sociaux” sous l’effet des politiques libérales. Unir de manière transversale les différentes catégories sociales qui auraient intérêt à le faire, dans ce contexte, est un défi. Rien ne sera dit en revanche de la stratégie populiste, dont certains doutent désormais. S’il cite encore Jean Jaurès et l’idéal du “socialisme”, le mot “gauche” est absent de son vocabulaire. Reprenant une “vieille formule” souvent attribuée à Jacques Chirac, il balaye cette mauvaise passe sans davantage de questionnements : “Les hauts je les méprise, les bas je les reprise”.
Pour lui, le véritable perdant des européennes est bien Emmanuel Macron (car 80 % des électeurs n’ont pas voté pour sa liste), qui n’en tire pourtant “aucune conclusion démocratique”. Quant à Marine Le Pen, qui a bénéficié du référendum anti-Macron voulu par la direction de LFI, il remarque qu’elle “est partie en vacances avec le reste de la dynastie”. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a ironisé sur Yannick Jadot qui rejette toute alliance politique, alors qu’il dénonçait auparavant la “volonté d’hégémonie” de LFI.
“Nous n’étions pas parfaits”
En filigrane, et de manière très sporadique, l’ancien sénateur socialiste a concédé des erreurs, sans les nommer. Et s’est essayé à l’humilité : “Nous sommes en train de tourner une page. Nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas parfaits. Nous n’avons pas fait tout ce qui aurait dû être fait”. Et son rôle, dans ce remue-ménage qui n’en est pas vraiment un ? “Il est consubstantiel au mouvement”, dit-il. En référence à la jeune garde – Adrien Quatennens et Mathilde Panot – qu’il met en avant, il conclut : “Ils vont avoir besoin de la sagesse de ceux qui ont accumulé du savoir dans la lutte, d’abord la mienne”.
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