En osant enfin le français et en faisant le lien entre les seventies et le XXIe siècle, Charlotte G. réalise l’album parfait.
Plage 3, le morceau s’appelle “Kate”, et la voix hyperventilée de Charlotte qui évoque sa demi-sœur disparue (“Des cheveux de cendre, une âme trop tendre que rien ne perçait…”) est un truc à vous maintenir le cœur serré d’émotion pour l’éternité. Sur le titre précédent, Lying with You, c’est (Dieu) le père qui a droit à son homélie, évoqué crûment sur son lit de mort (“Où est parti mon baiser quand le coffre s’est fermé ?”), indiquant que le sous-titre de ce “repos” trompeur pourrait être “chialade forever”.
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Le premier album véritablement gainsbourgien de Charlotte Gainsbourg
La force tranquille de Charlotte Gainsbourg est d’avoir toujours su rester cette brindille d’acier, cette phalène solide comme un roc dont le cinéma, et notamment Lars von Trier, a su tirer le maximum. Au rayon des chanteuses, pourtant, elle se plaçait en retrait, en réserve, laissant aux pygmalions de passage (Air, Beck) le soin de tisser les paravents élégants, avec l’anglais comme premier rempart.
C’était beau, souvent, désincarné, un peu, mais sans son auguste patronyme sans doute aurions-nous été moins attentifs. Cette fois appelé aux manettes, Sebastian a eu l’intelligence de déléguer à d’autres certaines formules d’une alchimie globale qui ne connaît pas de temps faible. Ah si, disons-le avec diplomatie et déférence, le morceau signé Paul McCartney (Songbird in a Cage) ne vaut pas tripette. Mais il met d’autant mieux en valeur le travail de fourmis des Owen Pallett, Emile Sornin (Forever Pavot) ou Vincent Taeger (Poni Hoax) et l’incandescence discrète des arrangements inspirés souvent par les soldats de l’ombre de la galaxie Gainsbourg (Goraguer, Colombier, Vannier), comme une douce et subtile mise en abyme des bijoux de famille – n’oublions pas Jane B. dans l’ADN.
Le passage au français (la plupart du temps sur les couplets, les refrains expirés restant chez Shakespeare) n’avait aucune raison d’être redouté, car s’il est bien une révélation sur ce disque, c’est celle de Charlotte auteur, Brontë divine, dont l’encre profonde n’est pas là pour faire tapisserie.
Si Sebastian (le dance-floor compatible Deadly Valentine, Les Crocodiles) ou Guy-Man (le très beau Rest) injectent des fluides électroniques à ces chansons funambules, cette fois c’est Charlotte qui tient la maison, dirige plus volontiers les opérations, dévoilant un goût prononcé pour cette mélancolie moderniste des seventies qui va de François de Roubaix (I’m a Lie) à Giorgio Moroder (Les Oxalis). C’est en raison de ces inclinaisons, et surtout parce qu’il raconte beaucoup de choses de l’ordre de l’intime à valeur universelle, que Rest est sans doute le premier album véritablement gainsbourgien de Charlotte Gainsbourg.
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