Dans cette adaptation camouflée d’En finir avec Eddy Bellegueule, Anne Fontaine se vautre dans l’anecdote et l’outrance.
Le reniement supposé de cette adaptation d’En finir avec Eddy Bellegueule par son auteur Edouard Louis est ce qui est arrivé de mieux à ce film 1, qui sans cet ultime retournement aurait simplement été très mauvais. Très mauvais, il l’est encore bien sûr. Mais au moins cette dernière opération de rebaptême par lequel Eddy devient Marvin, et le nom d’Edouard Louis disparaît du générique, parachève de façon implacable la trajectoire de ce personnage, sans cesse acculé à se réinventer, à se renommer, à prendre de nouveaux masques par nécessité de survie.
Perçu comme un traître à sa classe (prolétaire), le personnage d’Eddy aura aussi été trahi par le cinéma (hyperbourgeois) d’Anne Fontaine. Trahi, le roman l’est par la charge outrancière d’une reconstitution au naturalisme saignant, où le quotidien d’une famille socialement précaire du nord de la France devient la matière d’un show white trash débraillé livré sans retenue au cabotinage de ses comédiens. Jamais la vérité de la langue d’Edouard Louis, contrepoids de justesse dans un capharnaüm de violence, ne s’y fait entendre. La voix de l’écrivain se dissout dans la fausseté généralisée, aussi patente d’ailleurs dans la description vaguement satirique d’un couple d’intellectuels gay que dans celle du milieu d’origine du personnage.
C’est de toute façon moins le roman qui intéresse la cinéaste que la biographie de son auteur. Là où le premier s’arrête, le film continue, intégrant le succès du livre et la petite polémique médiatique qui en suivit. La littérature d’Edouard Louis n’est pas son objet. Seulement l’anecdote et ses relents de psychodrame. En finir avec Eddy Bellegueule ? Le film d’Anne Fontaine est une liquidation.
Marvin ou la belle éducation d’Anne Fontaine (Fr., 2017, 1 h 53)
1 Officiellement, Anne Fontaine déclare ne pas présenter le film comme une adaptation car elle a pris trop de liberté. Il semblerait néanmoins que l’auteur du roman ait officieusement désavoué ces libertés d’adaptation.