“Everybody wants to be a bad boy” – sur ces paroles s’achève L’espion qui m’a larguée. Cela pourrait être aussi le mantra actuel du cinéma américain, lancé dans une féminisation massive du film d’action viril et saturé de testostérone. On a eu droit à Ocean’s 8, le reboot malheureusement convenu de la saga de Soderbergh, mais l’un des véritables initiateurs de cette vague est sans nul doute Paul Feig, brillant metteur en scène de buddy movie (Les Flingueuses) et autre comédie d’espionnage (Spy) au féminin.
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L’espion qui m’a larguée s’inscrit dans cette lignée et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une de ses interprètes principales, Kate McKinnon, figurait au casting du remake girly de S.O.S Fantômes, signé du même Paul Feig… Le film de Susanna Fogel met en scène deux copines un peu loseuses embrigadées malgré elles par les services secrets en qualité d’espionnes. Leur mission consiste à mettre en sûreté un minuscule objet et éviter la fin du monde. Volontairement fumeux, l’enjeu de l’intrigue n’est là que pour mettre en évidence un duo de choc, deux jeunes femmes maladroites lancées dans un périple mouvementé à travers l’Europe.
La drôlerie du film repose presque entièrement sur la maladresse de ses deux héroïnes et leur inadaptation au monde des courses-poursuites et des fusillades. Mais c’est aussi grâce à elle – cette gaucherie endémique – qu’elles échappent chaque fois à leurs assaillants, une armada de mâles violents et survoltés. A travers ces corps-catastrophes, le film flirte sans cesse avec la comédie burlesque : une scène finale de trapèze n’est ainsi rien d’autre qu’un hommage aux acrobaties du music-hall et à ses périlleux numéros de cirque.
Un affolant périple au sein d’une Europe abracadabrantesque
Les deux actrices, Mila Kunis et Kate McKinnon donc, excellent à ce jeu et sont parfaites en goofy, surtout la seconde, dont on sent le passé d’ex-recrue du Saturday Night Live habituée à écumer les gags, qu’ils soient verbaux ou physiques. Elle est le principal moteur de cet attelage comique tandis que Kunis en incarne le versant glamour.
Leur tandem brille tout particulièrement quand il s’agit de faire rire sur le thème de l’altérité culturelle (vous savez bien, toutes ces choses bizarres propres aux européens…). Parodique sans être clichetonneux, L’espion qui m’a larguée délivre un affolant périple au sein d’une Europe abracadabrantesque – le film passe par Vienne, Prague, Paris, Berlin et Budapest – où il faut s’attendre à tout : être piégé par un personnage d’avocat lubrique, fan de Balzac et de “coke-au-vin”, ou atterrir dans un taxi fou conduit par Kev Adams.
L’espion qui m’a larguée de Susanna Fogel, avec Mila Kunis, Kate McKinnon (E.-U., 2018, 1 h 57), en salle le 8 août
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