Remarques misogynes, pornographie banalisée, blagues lourdes. Selon l’Usine Nouvelle, il n’est pas évident d’être étudiante dans une école informatique composée en grande majorité d’hommes.
« Les couloirs de l’école ressemblent à un vestiaire de football. Cette ambiance nous bouffe littéralement ». C’est par ce constat grinçant, énoncé par une élève de l’école d’informatique 42, que s’ouvre l’enquête menée par L’usine Nouvelle. Suivent plusieurs témoignages d’étudiantes écœurées du sexisme qui règne au sein de l’établissement fondé par Xavier Niel, patron de Free. A l’instar de Lola (le prénom a été changé) qui avoue avoir hésité à quitter la formation : « Je ne me sentais pas à ma place parce que j’étais une fille, confie-t-elle. « J’ai même hésité à partir.”
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« On ne se sent pas en sécurité ici. »
Au menu, outre les blagues de bon goût, échanges de contenus pornographiques et harcèlement. Not Safe For Work (NSFW), une chaîne de discussion du compte de l’école autogérée par les étudiants depuis la messagerie Slack, était devenue un espace gentiment obscène, sur lequel on pouvait, notamment, voir une photo de femme à quatre pattes agrémentée du commentaire, « née pour être un sac à foutre ». Mathilde, dont le prénom a également été modifié – l’article précise que par peur des représailles une des témoins a communiqué avec leur journaliste par messagerie cryptée – raconte : « On m’a poursuivie sur un étage et demi, que j’ai dû remonter à reculons, pour voir sous ma jupe. On ne se sent pas en sécurité ici. »
Une drague (un peu) lourde
La direction de l’établissement tempère. « La pression que peuvent ressentir certaines filles n’est pas générale. Beaucoup d’étudiantes à 42 se sentent très bien et vivent très bien l’école, » relativise Fabienne Haas, directrice de la communication, avant d’ajouter, « Nous ne pouvons pas empêcher des étudiants de draguer les filles, parfois lourdement. » La chaîne NSFW a néanmoins été fermée en octobre. A ce propos, Fabienne Haas précise que si, parmi les étudiants ayant publié des contenus insultants par ce biais, « aucun n’a été exclu » , en revanche, « ils ont eu à faire des travaux d’intérêt général et certains doivent aujourd’hui travailler avec moi sur la question du sexisme. »
Une évolution timide que n’ont pas attendu certaines élèves. Hana, une des premières à avoir réagi à NSFW, s’est également rapprochée du réseau Lean in France, créé aux Etats-Unis afin de promouvoir l’égalité hommes/femmes. Elle espère les convaincre d’intervenir dans l’établissement pour sensibiliser ses membres aux problèmes engendrés par le sexisme.
« Ca s’améliore »
La situation n’est, en effet, pas nouvelle. En avril 2015, Le Monde avait déjà publié un article dans lequel plusieurs étudiantes en informatique dénonçaient le « machisme » qui pèse sur ce milieu à prédominance masculine. L’une d’entre elles, désormais ingénieure, s’indignait que ses camarades considèrent que les femmes ne sont « là que pour les quotas ». « Si j’ai de bonnes notes, ou si je suis acceptée dans une filière sélective, c’est parce que je suis une fille. Autrement dit, si je suis là, ce n’est pas parce que je suis travailleuse ou bonne élève, mais parce que j’ai un chromosome X de plus ! », renchérissait une élève d’un IUT d’informatique.
Heureusement, d’autres jeunes femmes, dans la veine de Marion D., également en école d’informatique, assurent n’avoir été confrontées à « aucun préjugé, ni propos sexiste ». Si la partie n’est pas gagnée, elle constate, cependant, que « ça s’améliore ».
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