Le cinéaste est revenu sur certains de ses coups de cœur de cinéma récents, au centre d’une interview où il évoque la production chaotique de The Dead Don’t Die.
Etre cinéaste américain impose aujourd’hui de supporter un chemin de croix particulièrement ardu. A l’heure où les studios ne privilégient plus que d’un nombre réduit de superproductions de plus en plus chères, ou à l’inverse de micro-budgets s’assurant une rentabilité autour du high concept du moment, les films demandant des moyens intermédiaires se retrouvent sacrifiés, y compris quand ils proviennent d’auteurs confirmés, à l’instar de Jim Jarmusch. Lors d’une interview pour Vulture, le réalisateur de Broken Flowers et Paterson est ainsi revenu sur le financement compliqué de The Dead Don’t Die, son film de zombies ayant fait l’ouverture du festival de Cannes.
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« Cela nous a pris beaucoup de temps pour le financer, et nous n’avons jamais eu le budget complet dont on avait besoin, raconte le réalisateur. Focus Features [la boîte de production et de distribution du long métrage] a été formidable. Ils nous ont donné une totale autonomie et nous ont totalement fait confiance, mais ils étaient dans l’impossibilité de nous donner le budget estimé. Donc on l’a dépassé, et au final, nous avons atteint le budget initial. Et nous étions très limités sur le planning à cause des emplois du temps des acteurs et la météo. Il a plu tous les jours.«
Mauvais karma
Si chaque tournage est un prototype risqué, qui possède son lot de problèmes, Jim Jarmusch a dû tolérer sur The Dead Don’t Die beaucoup d’imprévus, avec lesquels il a été obligé de composer : « J’ai toujours essayé d’utiliser les limitations, de les voir comme des forces. Par exemple, tous les plans dans des intérieurs de voiture ont été faits sur une scène — ce qui les rend quelque peu artificiels, ce que j’aime bien. J’ai attrapé une pneumonie au beau milieu du tournage et je devais continuer de filmer 15 heures par jour avec des couvertures et des manteaux, alors qu’il faisait 35 degrés. Je me suis même cassé un orteil. C’était comme le livre de Job.«
Au-delà de ce témoignage apocalyptique, le constat assez amer du réalisateur est de voir que ses collègues américains ont les mêmes difficultés que lui : « Pourquoi ils ne peuvent pas juste donner à David Lynch l’argent dont il a besoin ? Ou à Terry Gilliam ? Il a besoin d’argent pour faire quelque chose, donnez juste lui ! Je ne comprends pas. »
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Néanmoins, Jarmusch n’est pas non plus totalement pessimiste, et revient même sur certains des films qui l’ont marqué récemment, pour la plupart pris dans cet entre-deux monétaire : « J’ai aimé Roma et La Favorite. […] A part pour la musique, j’ai adoré At Eternity’s Gate, le film de Julian Schnabel avec Willem Dafoe. J’ai apprécié High Life, un film très bizarre par Claire Denis. J’ai aimé Une affaire de famille, BlacKkKlansman, La Mort de Staline, Minding the Gap. Oh, et Twin Peaks : The Return représente, pour moi, le meilleur du cinéma américain de la décennie. C’est un film de 18 heures incompréhensible et onirique, de la plus belle et aventureuse des manières. C’est un chef-d’œuvre.«
Ce n’est pas la première fois que la troisième saison de la série de David Lynch (par ailleurs écrite comme un unique long métrage) est évoquée comme l’un des meilleurs films de ses dix dernières années. Les Cahiers du cinéma l’ont par exemple hissée à la première place de leur top de 2017. Pour Jim Jarmusch comme pour beaucoup d’autres, David Lynch a marqué les esprits, et son époque.
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