La jeunesse et les années d’apprentissage de l’auteur du Seigneur des anneaux dans un biopic entraînant mais qui a tout d’une coquille vide.
A priori, la vie de J.R.R. Tolkien n’est pas un matériau dramatique évident. Philologue industrieux ayant architecturé un monde imaginaire tentaculaire, avec ses peuples merveilleux, ses arbres généalogiques labyrinthiques et ses langues créées de toutes pièces – immense iceberg littéraire dont Le Seigneur des Anneaux serait la partie visible –, on disait de lui qu’il était un universitaire sédentaire, plus disposé à mener une vie paisible qu’à partir à l’aventure. Mais passée au filtre d’un pur biopic hollywoodien, sa vie devient magiquement cinématographique.
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C’est l’un des principaux problèmes du Tolkien de Dome Karukoski, qui, plutôt que d’ausculter l’esprit démiurgique et nébuleux de l’auteur, nous livre le récit fantasmé de sa jeunesse : de son enfance bucolique dans la campagne anglaise à sa carrière d’universitaire cahoteuse à Oxford, en passant par son expérience traumatique de la Première Guerre mondiale.
Un manque cruel de vertige
Le cahier des charges du biopic cadenassé y est scrupuleusement respecté : une enfance heureuse en forme de paradis perdu, une histoire d’amour longuement contrariée et l’ombre de la guerre comme vecteur dramatique.
Rivé à un académisme ronflant, le film n’est pas désagréable à suivre mais manque cruellement de vertige. Les scènes de guerre qui parsèment le récit, hantées par des visions fantasmagoriques de dragons et de créatures maléfiques se mêlant au chaos des tranchées, occasionnent même quelques moments de bravoure formels, que vient hélas plomber un discours symboliste un peu lourdingue.
Nicholas Hoult, dans la peau du jeune professeur, livre une prestation à l’image du film : appliquée mais peu habitée, incapable de nous faire sentir les aspérités d’un personnage pourtant complexe. A trop vouloir tordre la réalité pour y creuser un récit héroïque, plombé par une quête d’émotion volontariste, Tolkien passe à côté de son sujet, et livre un biopic sans âme.
Tolkien de Dome Karukoski, avec Nicholas Hoult, Lily Collins, Colm Meaney (E.-U., 2019, 1h52)
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