Ecrivain, fondateur de la mythique maison d’édition City Lights, Lawrence Ferlinghetti raconte dans ses Carnets de route cinquante ans de vagabondage à travers le monde.
Poète de renommée internationale, Lawrence Ferlinghetti est aussi cet éditeur légendaire qui publia, outre ses compagnons de route de la Beat Generation, plus d’auteurs étrangers importants qu’aucun de ses confrères new-yorkais.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Or voici que cet homme sort, à l’heure où il fête ses 100 ans, ses Carnets de route : six cents pages de notes, croquis, dessins, poèmes, réflexions ; un demi-siècle d’une Vie vagabonde, mille morceaux d’une existence merveilleuse à bourlinguer aux quatre coins du globe.
La route, sauf que lui n’en fit pas, contrairement à Kerouac ou Corso, un projet littéraire. “J’ai écrit ces pages péripatétiques pour moi, explique-t-il en préface, sans jamais songer à les publier.”
Jusqu’au jour où deux de ses amis et admirateurs décident de rassembler ses feuillets dactylographiés, archives et documents, et le convainquent d’en faire un livre.
Le premier texte nous embarque à Santiago de Chili en 1960. D’emblée Ferlinghetti fait part de son peu d’intérêt pour les causeries universitaires, ce colloque où il se contente de répondre, à chaque question qu’on lui pose, en décrivant les visages des mineurs qu’il a rencontrés la veille.
Ce sera ensuite, cette même année, Porto Rico, Haïti, Cuba, La Nouvelle-Orléans, Big Sur, New York…
Sur les chemins de la galaxie beat
“N.Y., 1er avril, écrit-il. Avec Jack Kerouac à minuit, on avance d’un pas chancelant sur East Second Street (…) qu’est-ce que je fabrique ici avec lui, quelque part en pleine éternité ? (…) Passé la nuit avec lui, on a fini chez sa nana, au-dessus de la 70e Rue Ouest. Réveillé à dix heures du matin.
“Je repars avec Le Livre des rêves, le manus’ de Kerouac que City Lights va publier (…) Une moisson de magnifiques rêves débridés, non censurés, et que les Freudiens ne pourront pas disséquer…”
Il fait beau et chaud. Je repars avec Le Livre des rêves, le manus’ de Kerouac que City Lights va publier (…) Une moisson de magnifiques rêves débridés, non censurés, et que les Freudiens ne pourront pas disséquer…”
Il traverse la Russie en Transsibérien après avoir lu la prose de Blaise Cendrars, retrouve Burroughs à Tanger, Neruda à Cuba, Ezra Pound en Italie, croise et recroise les chemins de tous les illuminés, clochards célestes et anonymes de la galaxie beat.
Le portrait d’un homme incapable de rester en place
En creux se dessine le portrait d’un homme incapable de rester en place ; un homme parfois sarcastique voire loufoque qui, déprimé par ce motel sordide où il échoue, laisse dans le tiroir de sa table de nuit ce message : “Abandonne Tout Espoir, Toi qui Entres Ici.”
Rien ne l’intéresse pourtant plus que les gens, la vie telle qu’elle va, avec ses infimes différences de lieu en lieu. “Je dois me procurer un carnet de croquis, écrit-il de Rome, et me mettre à faire des têtes, rien que des têtes et des visages. Le Carnaval romain !”
Quand il revient à Paris, ville tant aimée, en 1999, l’ancien “Beat Hotel” est transformé en auberge chic pour touristes. “Que dire d’autre de ces monologues intérieurs, conclut-il avec humour et modestie, si ce n’est que certains peuvent passer pour des articles journalistiques livrés par un reporter de l’Espace, relatant les étranges faits et gestes de ces ‘humains’ ici-bas, transmis par un rédacteur en chef doté d’une faible tolérance pour les foutaises.”
La Vie vagabonde. Carnets de route, 1960-2010 (Seuil), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard, 608 p., 25 €
{"type":"Banniere-Basse"}