Depuis qu’il a entamé sa perestroïka musicale, passant du seul accompagnement d’une guitare nerveuse à celui d’un vrai groupe, Billy Bragg a perdu en aridité ce qu’il n’a pas manqué de récupérer en solidité. L’aboutissement de cette mutation, c’est ce nouvel album, le premier de l’ère post-Thatcher et son plus flamboyant. Tiré par une locomotive […]
Depuis qu’il a entamé sa perestroïka musicale, passant du seul accompagnement d’une guitare nerveuse à celui d’un vrai groupe, Billy Bragg a perdu en aridité ce qu’il n’a pas manqué de récupérer en solidité. L’aboutissement de cette mutation, c’est ce nouvel album, le premier de l’ère post-Thatcher et son plus flamboyant. Tiré par une locomotive puissante, Sexuality en collaboration avec un Johnny Marr enfin digne des meilleurs Smiths, Don’t try this at home confirme la ligne adoptée depuis Workers playtime en 88 avec une atténuation du cliché don-quichottesque du protest-singer seul contre tous, au profit d’un songwriting et d’arrangements impeccables.
Ultime pourfendeur de l’esprit de capitulation ambiant, Bragg perpétue avec une verve intarissable la tradition britannique des angry young men, mais comme les Weller et les Costello hier, ses disques ne sacrifient pas la forme au fond et demeurent les plus parfaits témoignages d’une révolte de velours, où le poids des mots n’écrase jamais la justesse et l’émotion des mélodies. Qu’il se situe dans un registre purement pop ou bien à la lisière de la country, avec violon et mandoline, qu’il fasse rutiler les cuivres soul ou qu’il se contente d’un piano timide, Billy frappe à chaque fois au cœur de la cible avec une égale aisance, de quoi faire pâlir ses plus illustres inspirateurs, de Dylan à Morrissey. Sacré plus grand poète rock britannique actuel’ par le NME, Bragg est surtout le dernier des putschistes’ d’un coup d’éclat permanent contre la médiocrité et son avenir à lui, à en juger par un tel disque, semble assuré.