Leonard Cohen, le Velvet Underground et le compositeur Michel Magne reprennent vie dans des BD biographiques inventives qui font entendre leur propre musique.
Comment retracer la vie d’artistes iconiques sans tomber dans l’éloge creux ou l’évocation superflue ?
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En ramenant le mythe à sa condition humaine, ses défauts et ses failles, répond en substance le dessinateur québécois Philippe Girard. Dans son Leonard Cohen sur un fil, il laisse un peu de place aux moments de gloire du chanteur – comme son passage au festival de l’île de Wight en 1970 ou son introduction au Rock & Roll Hall of Fame en 2008. Mais il se concentre surtout sur les aspérités d’un parcours biscornu, celui d’un poète absolument pas programmé pour devenir pop star.
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Son élégant style ligne claire, qui s’épanouit particulièrement avec le séjour de Cohen sur l’île grecque d’Hydra, lui permet de balader le chanteur tel un personnage romanesque entraîné par les péripéties. La plus ironique : se faire escroquer par sa manageuse alors qu’il est en pleine retraite bouddhiste.
Un autre savoureux passage, presque comique, voit un Cohen éberlué assister à l’avènement de sa chanson intimiste Hallelujah en une rengaine (trop) populaire. Philippe Girard s’est tant approprié graphiquement la vie du chanteur que, parfois, identifier certains rôles secondaires – Nico ou John Cale – n’est pas immédiat. Son évocation de Cohen n’en reste pas moins savoureuse.
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Le Velvet en version rigolard
Face à la légende du Velvet Underground, le Français Prosperi Buri parvient aussi à dissimuler son travail de documentation derrière sa réécriture, elle, sarcastique. Si les anecdotes sont authentiques, il s’ingénie à transformer Lou Reed et les autres en héros cartoonesques goguenards qui, pas loin de ceux de Crumb ou des Freak Brothers de Gilbert Shelton, ne pensent qu’à se camer. Certaines scènes se révèlent hilarantes – comme Lou Reed et John Cale, rivaux, se bagarrant pour produire plus de bruit que l’autre – et ce ton moqueur l’aide à dédramatiser.
La courte aventure du Velvet, marquée par les trahisons, les ratés et les décisions désastreuses du manager Steve Sesnick – ici dépeint en serpent – se prête de toute façon à ce traitement rigolard. Le sourire en coin mais le cœur battant pour la musique mutante du Velvet, Prosperi Buri signe un hommage vicieux aux jolies touches de rose.
L’époque Michel Magne
Avec Les Amants d’Hérouville, Yann Le Quellec et Romain Ronzeau ne s’intéressent pas seulement à Michel Magne, génial compositeur pour le cinéma qui s’est suicidé en 1984. Ils embrassent également une époque, les seventies, restituent un esprit libertaire, l’aventure d’un studio d’enregistrement fabuleux – où viendront Bowie, Elton John ou Pink Floyd –, mais aussi une histoire d’amour, celle de Magne et de son épouse Marie-Claude.
Pour coller à ce vaste cahier des charges, les deux auteurs, aidés par Thomas Cadène au scénario, ont choisi une forme hybride. Le trait vif de Romain Ronzeau voisine avec la reproduction de documents d’époque – photos, articles, et même des dessins de Sempé et d’étonnantes peintures abstraites de Magne – pour former une étourdissante et mélancolique fresque. Car, après les moments jouissifs – un concert du Grateful Dead se terminant en orgie –, vient le cruel retour à la réalité.
Leonard Cohen sur un fil de Philippe Girard (Casterman), 120 p., 20€
Une histoire du Velvet Underground de Prosperi Buri (Dargaud), 80 p., 16,50€
Les Amants d’Hérouville de Yann Le Quellec et Romain Ronzeau (Delcourt), 256 p., 27,95€
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