Etait-il nécessaire de liquider New Order et les Smiths de sang-froid pour en arriver là ? Johnny Marr et Barney crevaient-ils vraiment d’un besoin viscéral de faire ça loin du bercail ? Comment, d’ailleurs, peut-on ressentir le besoin de faire ça ? Johnny Marr voulait briser l’image publique, tuer le guitar-hero qui grondait en lui, […]
Etait-il nécessaire de liquider New Order et les Smiths de sang-froid pour en arriver là ? Johnny Marr et Barney crevaient-ils vraiment d’un besoin viscéral de faire ça loin du bercail ? Comment, d’ailleurs, peut-on ressentir le besoin de faire ça ? Johnny Marr voulait briser l’image publique, tuer le guitar-hero qui grondait en lui, s’amouracher de synthés et de machines’ Demande-t-on à Chris Waddle de bien jouer au ping-pong ou à Kaurismaki de préparer le confit de canard ? Non, bien sûr. Et au change, on troque un guitariste génial contre un claviste quelconque. Pour Barney, on ne parlera pas de cassure mais d’une évolution vers la non-existence : il suffit de laisser la paresse agir, de se faire plus crétin qu’on ne l’est, d’accueillir la facilité et le laisser-aller comme des vieux frères. Pourtant, on avait failli donner raison à leur escapade commune sur la foi de deux premiers singles ? Getting away with it et Get the message ? où ils avaient trouvé deux mélodies universelles les doigts dans le nez. On avait beau leur reprocher tous les maux de la terre ? négligence, cossardise, démago ?, c’est quand même ces deux maxis qui occupaient, insolents, la platine et la mémoire à fredonner. Deux tubes malgré nous, ils s’imposaient d’eux-mêmes contre toute volonté, contre toute mauvaise foi. Mais sur les faces B, on sentait déjà qu’Electronic n’existerait que le temps d’une mélodie. Sans elle, le groupe ressemblait à la Haçienda en plein après-midi : sans le light-show, sans la musique, sans l’obscurité complice, il ne restait que des murs blafards, des sièges tachés, une odeur rance de sueur au tabac. Ici, impossible de même concevoir la fête. Nous sommes dans un hangar où la lumière crue du jour souligne chaque défaut, le montre du doigt. Ainsi, jamais synthétiseur n’aura sonné de façon aussi morose que sur Try all you want, ce disco sinistre dont même Heaven 17 n’aurait pas voulu ; jamais sequencer n’aura paru aussi poussif et clinique que sur Soviet, cette imitation tiers-mondiste d’Ennio Morricone ; jamais clochettes n’auront autant ressemblé au glas que sur Some distant ; jamais New Order n’aura été si laborieux que sur Reality Le plus triste est que Barney n’a même pas l’air d’y croire lui-même, absent et fatigué, comme s’il avait abandonné la corvée New Order pour une autre routine, déjà résigné à ce lugubre semblant de liberté, à ce faux espace. On atteint même parfois le pathétique, sur Feel every beat et Idiot country, raps misérabilistes qui feraient passer Partenaire Particulier pour Public Enemy ou sur Gangster, cet affreux disco atone et cheap tout juste bon à faire danser les autos tamponneuses à la Fête à Neu-Neu. Hormis les deux singles, seul Tighten up ? ranimé par un Barney enfin concerné ? et Patience of a saint ? heureusement pris en main par la suavité des Pet Shop Boys ? donnent un peu de vie à ce robot ménager, réveillent ce disque profondément inhumain, spécialement étudié pour les vendeurs Darty de chaînes hifi. Johnny Marr, Barney Albrecht, auteurs des disques les plus humains de la décennie passée, réduits à jouer les zombies dans des costumes étriqués de programmateurs en informatique, quel cafard’ Eux qui parlaient si bien notre langue, que leur
a-t-il pris d’aller apprendre chez Berlitz le Cobol
et le Basic ?
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