“Les meilleurs inédits de Leonard Cohen joués par les Pale Fountains” promettait cette revue. Not quite, not quite, mais… pas loin. Entre une cassette démo et un album définitif (?), les grosses tatanes du Méchant Remixeur ont laissé des traces : entrechats de guitares superfétatoires, chœurs féminins inopinés, trompette très Georges Jouvin dans Etoile des […]
« Les meilleurs inédits de Leonard Cohen joués par les Pale Fountains » promettait cette revue. Not quite, not quite, mais… pas loin. Entre une cassette démo et un album définitif (?), les grosses tatanes du Méchant Remixeur ont laissé des traces : entrechats de guitares superfétatoires, chœurs féminins inopinés, trompette très Georges Jouvin dans Etoile des neiges’… Bah, quelques grumeaux qui ne sauraient complètement gâcher la saveur et la légèreté de Jolie, cette crème anglaise. Ou plutôt, ce plein panier de madeleines de Proust et de muffins à tremper dans le thé au lait, dégageant les parfums doux-amers d’une journée de rêveries entre Paris et Londres. Un itinéraire mental bien connu des rockers, emprunté par Ronnie B, Serge G, Etienne D dans un sens, Jane B, Marc A ou maintenant Bill, dans l’autre. Bill Pritchard qui devait passer ses journées de collégien au fond de la classe en pensant à Manet, Truffaut, Françoise Hardy… Voilà donc la petite musique des flirts fanés, des amourettes envolées, des flottements climatiques du cœur : crachin sur Walsall, chagrin, éclaircie au Touquet, youpie, grisaille à Dover, it’s over. Ce pourrait être la bo d’un Grand Meaulnes porté à l’écran, ou la chronique des désarrois de l’élève Pritchard. On égrène les souvenirs rongés d’étés inoubliables ( We took precaution, I was unwed you had to lie ), on file la quenouille d’une nostalgie qui reste ce qu’elle était ( Pretty Emily, there were some quiet days in Clichy ), on dévoile des romances truffaldiennes où des Boys with a bitter stolen kiss’ font écho à des girls with a timid perfumed kiss’? Pratiquement tout l’album se conjugue au prétérit, suintant le remords de jours heureux à jamais envolés. Pritchard-Doinel enchâsse ses mots volatiles dans des mélodies à prendre le ferry un après-midi de mer grise (Pretty Emily, In the summer), chantonne d’une voix serrée, concentré de ce mélange si british de raideur et d’élégance. On a tous pris un jour la direction de l’Angleterre pour des vacances linguistiques, on a tous roulé un premier patin à une rouquine qui se fichait de notre accent de froggy, on est tous revenus avec le cafard vers Calais, les parents et Michel Sardou, regardant s’éloigner du bastingage arrière le pays des Kinks, des Pistols ou des Smiths, cette île si excentrique qui semble être faite pour l’adolescence. On ne sait pas trop ce que représente Bill Pritchard aux yeux de ses compatriotes, mais pour nous, Français, ses albums distillent insidieusement ce délicieux petit mal de la langueur et du souvenir : le spleen anglais.
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