Depuis longtemps, la critique américaine tient les Replacements pour le meilleur rock’n’roll band du pays. Ils font partie intégrante de la formidable promotion us class of 81. Que leur manque-t-il pour susciter chez nous ne serait-ce qu’un frémissement ? Le charme rêveur d’un rem ? La tenue intellectuelle d’un Hüsker Dü ? Le charisme branchouille […]
Depuis longtemps, la critique américaine tient les Replacements pour le meilleur rock’n’roll band du pays. Ils font partie intégrante de la formidable promotion us class of 81. Que leur manque-t-il pour susciter chez nous ne serait-ce qu’un frémissement ? Le charme rêveur d’un rem ? La tenue intellectuelle d’un Hüsker Dü ? Le charisme branchouille des New-Yorkais Sonic Youth ? Tout ça et un incurable manque de confiance en soi. Les Replacements ont toujours camouflé leurs émotions et leur vulnérabilité derrière une attitude de pochards branleurs et un barrage de guitares qui tachent. Les Français n’ont vu que ça : les punks de sous-préfecture, l’écran de fumée java pécore. Ne distinguant pas, sous le graillon et la Bud, le talent énorme du petit Paul Westerberg. Dès Let it be, on percevait déjà les textes rusés à travers la bamboula ébouriffée. Pleased to meet me aurait dû les catapulter très haut : titre et pochette qui disaient tout, chansons plein la besace, munitions Exile défourraillées à la London calling… Le disque passera pratiquement à l’as. L’année dernière, les Replacements baissent leur garde avec la superbe accalmie Don’t tell a soul, sentant peut-être la nouvelle vague (Pixies) qui les déborde. Les guitares la mettent en sourdine, les chansons montent en première ligne. Ce qui nous amène à ce All shook down d’où s’exhale un parfum putride de fin de règne. Le titre en forme de jeu de mots presleyo-dépressif, les photos de club désert, de verres vides et de cendriers pleins, le cuir écorné d’un vieux fauteuil, les chansons désenchantées et le ton morose de Westerberg, tout transpire la fête finie, la page à tourner, l’adieu à une époque. Celle du rock’n’roll, de l’adolescence, des murges avec les potes. Le nombre et la diversité des invités (John Cale, Benmont Tench, Johnette Napolitano…) renforce cette sensation d’éclatement proche, d’album solo non avoué. Paul Westerberg et ses Replacements ressemblent aux clébards de la couve : crottés, tristounes au milieu d’une rue grise et déserte, prêts à se séparer chacun de leur côté. Les chants de départ sont parfois les plus beaux.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}