La soirée des César 2020 paraît bien éloignée vue de mars 2021. Jamais deux cérémonies successives, de mémoire de César, n’ont paru aussi coupées temporellement. Car, entre les deux, nous sommes tous·tes tombé·es dans une faille. Et le cinéma mondial avec.
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“L’an dernier, nous sommes tous partis fâchés. Sans savoir qu’après on ne pourrait plus s’embrasser.” C’est Roschdy Zem, lauréat du César du meilleur acteur l’an dernier et président de la cérémonie cette année, qui résume ainsi joliment tout ce qui nous sépare de l’édition 2020, marquée par l’attribution houleuse du César du meilleur réalisateur, pour la cinquième fois, à Roman Polanski ; le refus de Florence Foresti, présentatrice de la cérémonie, de remonter sur scène ensuite ; le départ de quelques dizaines de spectateur·trices, dont Adèle Haenel et Céline Sciamma.
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Cette image de grand déchirement se doublait d’un mouvement ouvrant, lui, sur un espoir de réforme et de renouvellement : la refonte de l’Académie autour d’une nouvelle présidence, le changement de son conseil d’administration, le souci d’un élargissement de ses membres dans le sens de plus de diversité et de parité.
Si l’instance est rénovée, la matière sur laquelle elle opère, à savoir le corpus des films sortis dans l’année, a été, pour sa part, sérieusement malmenée par l’impitoyable contexte sanitaire : sorties différées à l’année suivante de nombreux films très attendus (Carax, Lemercier, Verhoeven, Dumont…), carrières amputées par une brutale refermeture des salles (certains films nommés n’ont été montrés qu’un seul jour)…
Difficile donc de distinguer ce qui, dans le sentiment très vif de renouvellement que produisent les nominations des César 2021, provient des nouvelles dispositions de l’Académie ou de l’absence de nombreux poids lourds.
Le fait est que ce pré-palmarès envoie pas mal de signes de fraîcheur et aménage beaucoup de place aux nouveaux entrants. Des auteurs aussi intéressants que Sébastien Lifshitz ou Emmanuel Mouret n’avaient jamais été nommés dans les catégories meilleur film ou meilleure réalisation ; quatre des nommées pour la meilleure actrice le sont pour la première fois ; avec Adolescentes, le documentaire sort de sa case pour accéder à la catégorie du meilleur film (ce n’est que la troisième fois que cela se produit, et la précédente date tout de même d’il y a dix-huit ans avec Etre et Avoir de Nicolas Philibert)…
Au jeu des pronostics, on ne voit pas comment Laure Calamy pourrait ne pas remporter le César de la meilleure actrice pour Antoinette dans les Cévennes (en dépit de la concurrence de Martine Chevallier et Barbara Sukowa pour Deux, mais la nécessité de choisir l’une des deux membres du tandem pourrait justement leur nuire).
La catégorie acteur paraît plus ouverte – une victoire de Jonathan Cohen nous réjouirait et réparerait la quasi-absence de l’épatant Enorme de Sophie Letourneur. Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, fort de ses treize nominations, part favori dans la catégorie meilleur film.
C’est à la fois le film le plus abouti d’Emmanuel Mouret, un succès public et un modèle de cinéma d’auteur ouvragé, à la fois personnel et dans les clous d’un haut patrimoine national (où caracolent les figures tutélaires Truffaut, Rohmer, etc.).
Dans la catégorie réalisateur, François Ozon pourrait néanmoins damer le pion à Mouret avec son Eté 85 à la mise en scène alerte et vibratile. Souvent nommé, Ozon n’a jamais gagné. Cette fois pourrait être la bonne.
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Enfin, pour l’une et l’autre catégories (film et réalisateur), la victoire d’Adolescentes et/ou de Sébastien Lifshitz serait à la fois une belle surprise, un signe de reconnaissance fort envoyé à une forme du cinéma (le documentaire) moins valorisée que la fiction, et aussi, selon notre rédaction (qui le classait troisième derrière Uncut Gems et Mank en décembre dernier), la juste récompense du plus beau film français de l’année.
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