“Confessions nocturnes” est une chronique qui donne la parole aux lecteur·ices pour parler de sexe, d’érotisme, de genre, d’attachement, d’infidélité… Et qui tente de répondre à cette question : “Comment s’aime-t-on en 2021 ?” Cette semaine, Kinou, 33 ans, raconte ses errances érotiques virtuelles pendant le confinement. Et comment son crush virtuel s’est avéré une toute autre personne que ce à quoi il s’attendait.
“Pendant le premier confinement, j’étais célibataire. Au début, j’ai voulu éviter tout ce qui avait trait à la sexualité. Mais au bout de quelques semaines, alors que je recevais des notifications de rappel de la part des applications de rencontre pour m’inciter à y retourner, j’ai fini par les rouvrir. À ce moment-là, un mec m’a proposé un “plan cam”, c’est-à-dire se toucher ou faire l’amour par webcams interposées.
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On s’est donné rendez-vous dans l’après-midi et j’ai rangé mon salon pour faire place nette. On s’est appelés et il était vraiment en mode confiné : les cheveux en pétard, dans son lit, en train de boire une bière. Sur sa table de chevet, il y avait des bouteilles vides et des restes de pizza tachaient ses draps. L’image s’est figée, la conversation avait beaucoup d’interférences. Quand la connexion s’est rétablie, j’ai eu droit à un gros plan sur ses testicules ! Ce n’était pas du tout sexy, ce mec en train de s’exciter tout seul. J’ai raccroché, un peu penaud. Le soir même, je me suis maté un porno.
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‘Ce soir, c’est ton soir’
Quelques jours plus tard, pour faire face à ma lassitude, j’ai décidé de faire quelque chose pour moi. Je me suis dit : ‘Ce soir, c’est ton soir.’ Je me suis préparé comme si j’allais recevoir un amant. Je me suis douché, rasé et parfumé. J’ai allumé des bougies et j’ai même mis une playlist de ‘R’n’B lover’. Je me suis préparé pour me faire l’amour à moi-même. L’ego-trip total ! Et j’y ai passé deux heures… C’était comme si je redécouvrais mon corps. L’isolement avait exacerbé mes frustrations et rendait la chose beaucoup plus intense. C’est ridicule quand j’y repense, mais à ce moment précis du confinement, j’en avais vraiment besoin.
Pour préparer le déconfinement, je suis à nouveau retourné sur les applications de rencontre. Là, j’ai été agréablement surpris par tous les messages que je recevais : les mecs étaient plutôt dans la retenue et dans la notion de rester confinés. Ils cherchaient plutôt à échanger, et pas dans une dimension sexuelle. D’habitude, je peux recevoir une dizaine de propositions de plans culs dans la semaine, et là je n’ai eu que trois mecs qui m’ont proposé une rencontre pendant le confinement. Ça va à l’encontre de toutes les idées reçues qu’on peut entendre sur la communauté gay et les préjugés sur notre supposée sexualité débridée, notre manque de responsabilité ou notre implication dans la propagation de maladies.
Les masques sont tombés
Sur mon profil, j’ai mis une photo avec un livre et beaucoup de personnes se sont mises à me parler de leurs propres lectures. Parmi ces hommes, il y avait ce mec qui avait lu le même livre que moi. Notre correspondance est devenue un rituel. Chaque jour, j’attendais ses messages. Il m’a expliqué qu’il travaillait à la mairie. On a décidé de se rencontrer au déconfinement.
On s’est retrouvés dans la rue et c’était assez anxiogène, avec tous ces gens masqués. Mais il y avait quand même une sorte de tension érotique dans le fait de voir ce correspondant masqué arriver devant moi. Il y a eu un échange de regards, puis on est s’est installés dans un bar et les masques sont tombés.
Il était un peu plus âgé que ce qu’il avait indiqué sur son profil, mais c’était un très beau mec. J’étais sous le charme. Le date s’est super bien passé et on s’est donné un autre rendez-vous chez moi. Ce jour-là, on a baisé partout dans l’appartement. Il faut dire que je n’avais pas baisé pendant plus de quatre mois…
C’était comme si toute la frustration du confinement se libérait. Sentir la chaleur humaine et le contact de la peau décuplait tous mes désirs. J’ai ressenti de l’euphorie et j’appréciais de passer de la dimension virtuelle au côté réel. Ensuite, on a entamé une relation plutôt sérieuse.
Une relation interclasse
Un jour, il m’a proposé de passer un week-end chez lui. J’ai constaté qu’il habitait dans un loft démesuré et luxueux, avec huit mètres de hauteur sous plafond. Je n’étais pas du tout habitué à voir ce genre d’habitation. Je trouvais ça limite indécent. Sur le coup, j’ai caché le fait que j’étais très impressionné et on a passé une soirée cocooning devant son écran géant. J’ai réalisé que cet homme travaillait dans la politique, qu’il avait une fonction importante et qu’il n’était pas qu’un simple fonctionnaire comme je le croyais. J’ai aussi compris que je m’étais retrouvé dans une relation interclasse. Moi, je suis issu de la classe ouvrière. Je n’en ai jamais eu honte, mais je me suis demandé ce qui pouvait bien l’intéresser chez moi. Il savait que j’étais artiste, où je vivais. Je ne vis pas dans la misère, mais je reste quand même très modeste. Finalement, je me suis dit que ça n’avait pas vraiment d’importance.
J’avais des paillettes dans les yeux. Tout allait tellement loin dans le cliché des films qu’il m’a proposé de m’inviter dans sa maison de campagne. Je suis parti cinq jours avec le “golden boy”. Je me suis retrouvé dans une vieille maison rustique avec une bambouseraie, un jardin à l’anglaise et un ruisseau. On faisait l’amour, je travaillais dans le jardin tout en dessinant. C’était un Walt Disney. J’étais dans une comédie romantique et j’étais la petite princesse avec son prince charmant, avec le luxe et l’argent. C’était comme vivre un rêve. Cependant, comme dans tout rêve, il y a un retour à la réalité.
On est rentrés et je me suis rendu compte que le mec avait quand même des habitudes de vieux garçon. Il était assez autoritaire et austère. Il pensait avoir raison sur tout et il avait des réactions qui me dérangeaient. Le matin, on regardait les infos sur CNews et il était à fond. Il commentait tout, en étant très méprisant. Je m’étais un peu renseigné sur lui quand je m’étais rendu compte de sa classe sociale. Il n’est pas facho, mais il est quand même de droite, alors que j’ai plutôt tendance à être de gauche. Ce n’était pas forcément un problème, mais il avait des idées réac’. Il me heurtait dans mes valeurs.
Derrière le prince charmant, se cache un vrai crapaud
Un jour, en plein dans la polémique sur les crop tops des lycéennes, il a tenu un discours assez virulent en disant qu’elles n’avaient qu’à mettre des cols roulés et qu’elles dérangeaient les hommes. À partir de là, c’est devenu une spirale infernale et il est allé de plus en plus loin. Il disait : ‘C’est normal que les homos se fassent agresser à Paris, vu leur dégaine. Même moi, j’ai envie de leur foutre des baffes.’ Alors j’ai pris mes distances. Quelque chose était cassé. C’est à ce moment-là qu’il m’a fait une scène de jalousie, parce qu’un mec m’avait fait un clin d’œil en nous croisant dans la rue. Il me soupçonnait d’être un libertin, alors que je suis monogame. Plus tard, il m’a envoyé un message en me disant qu’il ne se sentait pas prêt à s’investir dans cette relation et qu’il avait besoin de temps pour réfléchir. Je lui ai dit de prendre tout le temps qu’il voulait et je ne l’ai jamais rappelé !
Toute cette période de confinement m’a surtout appris que rien ne vaut l’interaction humaine. Je me suis rendu compte du besoin de l’autre, du besoin de contact. Les outils virtuels que sont les applis m’ont permis de faire une rencontre que je n’aurais pas crue possible, et de vivre une expérience de rêve. Mais sans cette notion d’échange humain, je ne me serais peut-être jamais rendu compte que, derrière le prince charmant, se cache un vrai crapaud.”
Propos recueillis par Pauline Verduzier
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